Place au Cinéma, présenté par Dominique Besnehard sur France 5, célèbre ce soir les 30 ans du film de Gus van Sant
Un projet de longue date
My own private Idaho met en scène deux amis toxicomanes de Portland contraints de se prostituer pour survivre. Gus van Sant a commencé à écrire cette histoire dans les années 70, soit bien avant qu'il ne passe à la réalisation. Mais la lecture de Cité de la nuit, le premier roman de John Rechy publié en 1963 sur un sujet similaire, le pousse à renoncer à aller au bout de son idée. Il trouve en effet son scénario très en deçà de la puissance de cette oeuvre et ne voit dès lors plus l'intérêt de le porter à l'écran. Mais les années vont passer et My own private Idaho va toujours rester dans un coin de sa tête. Et en 1985, après avoir signé son premier long métrage Mala Noche, il se remet plus sérieusement au travail. Sauf que malgré son faible coût (moins de 500 000 dollars), Gus van Sant ne trouve pas les financements. Le milieu de la prostitution fait peur et l'onirisme qu'il souhaite y insuffler n'est pas compris. Alors, une fois encore, le cinéaste doit renoncer et écrit dans la foulée Drugstore cowboy pour lequel il trouve là un financement assez rapidement. Et ce film va changer la donne. Il impose Gus van Sant comme la valeur montante du ciné indé américain, celui qu'on va dès lors s'arracher. Et il en profite alors pour reproposer son My own private Idaho qui, cette fois- ci, pourra voir le jour
Shakespeare revisité
Au départ de cette aventure, il n'y a pas un mais plusieurs scénarios que Gus van Sant développe en parallèle. L'histoire de Mike, jeune homosexuel démuni souffrant de narcolepsie à la recherche de sa mère qui l'a abandonné plus jeune. Un personnage inspiré par un gamin de la rue qu’il avait rencontré. Et celle de Scott, le fils du maire de Portland qu'il déteste car il cherche à lui imposer un avenir tout tracé. Un personnage directement inspiré par... le prince Hal du Henri IV écrit par William Shakespeare à la fin du 16ème siècle. Et, au fil du temps et des rebondissements (il a même un temps passé tourner avec des gamins de la rue de Portland), inspiré par le travail d’Orson Welles sr Falstaff (protagoniste lui aussi d’Henri IV et des Joyeuses Commères de Windsor du même Shakespeare), Gus van Sant finira par réunir les deux récits en un et donner à son film le titre My own private Idaho, en clin d'oeil à Private Idaho, une chanson du groupe B 52's qu'il avait découvert alors qu'il séjournait pour la première fois en Idaho dans les années 80.
L’apport décisif de Keanu Reeves
Pour camper ses deux personnages principaux, Gus van Sant n'a réellement eu que deux acteurs en tête: Keanu Reeves et River Phoenix. Le premier qui commence à monter en puissance (après avoir enchaîné Les Liaisons dangereuses, L'Excellente aventure de Bill & Ted, Portrait craché d'une famille modèle et Tante Julia et le scribouillard, il s'apprête à tourner Point break) lui donne son accord d'emblée. Mais l'agent du second refuse de lui faire passer le projet. Alors Van Sant a l'idée d'aller lui faire porter en main propre. Et pas par n'importe qui : il charge Keanu Reeves de le faire. Et, à quelques jours de Noël, celui- ci va chevaucher sa moto et entreprendre un long voyage du Canada jusqu'en Floride pour rejoindre chez lui River Phoenix avec qui il vient de tourner Je t'aime à te tuer de Lawrence Kasdan. Et il ne fait pas le déplacement pour rien ! River Phoenix lit sans attendre le scénario et accepte la proposition.... mais pour le rôle prévu pour Keanu Reeves qui, avec Gus van Sant, va réussir à le convaincre de jouer Mike. Un personnage et une composition qui lui vaudront un prix d'interprétation à la Mostra de Venise 1991.
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