Pour son premier film de super-héros, Dwayne Johnson a choisi un personnage trouble et quasi inconnu du grand public. Rencontre express avec The Rock.
Cet entretien est paru à l'origine dans le numéro 533 de Première, toujours disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.
Commandez le numéro d'octobre de PremièreBlack Adam était en développement depuis de nombreuses années, que s’est-il passé ?
Dwayne Johnson : L’idée du script original était de combiner en un seul film les origin stories de Shazam et de Black Adam. Dans cette version, Shazam prenait plus de place, et Black Adam était le méchant...Ce scénario était de qualité, mais au fond de moi, je savais que si on voulait faire les choses correctement pour ensuite étendre l’univers DC Comics, alors on se trompait de voie. On essayait de sauter des étapes : les deux personnages devaient avoir leur film dédié. Et puis faire un film Black Adam avec le ton, le style, l’intensité et la rage qu’il mérite – tout en poussant le PG 13 [déconseillé aux moins de 13 ans] jusqu’au bout du bout – aurait été très compliqué dans les limites de l’univers de Shazam. Par ailleurs, chez Seven Bucks [sa société de production], on avait aussi en tête d’introduire la JSA [Justice Society of America, groupe de super-héros], ces personnages géniaux du panthéon DC qui sont antérieurs à la Justice League. On avait un créneau pour ça, il fallait le prendre.
Et ça a été plus compliqué que prévu ?
Le truc, c’était que pour que ça marche, il fallait qu’on y mette tous un peu de nos tripes et qu’on accepte de prendre des risques. Parce que je suis bien conscient de ce qu’on demande à des entreprises comme Warner Bros. et DC quand on leur propose d’investir dans des personnages que personne ne connaît. Du point de vue d’un studio, il y a des tableaux Excel à remplir et des chiffres auxquels il faut faire très attention, et c’est bien normal. Donc on devait collectivement avoir la foi et être courageux, vraiment tenter le coup et voir grand. Bref, tout ça pour dire que ça a pris du temps.
Black Adam est noir. Peut-il être perçu comme un héros identitaire ?
Oui. Et c’est même l’une des raisons pour lesquelles Black Adam a attiré mon attention. Gamin, j’étais déjà un « DC boy » et je me retrouvais dans Black Adam justement parce que c’était un superhéros de couleur, et qu’il venait d’une époque et d’un endroit du monde où les gens avaient la peau foncée. Et même si tout ça n’est pas complètement transposable à ce que j’ai vécu – je suis à moitié noir et à moitié samoan –, je m’identifiais totalement à lui. L’aspect identitaire est très important dans Black Adam, et on y a également beaucoup pensé durant le processus de casting. Sans trop spoiler, le scénario parle d’un pays oppressé, et c’était essentiel pour nous de montrer que ce champion est capable, même après avoir passé 5 000 ans enfermé, de galvaniser à nouveau ce pays et ses habitants. Mais ses méthodes sont si inhabituelles que beaucoup de gens qui peuplent l’univers DC – et même peut-être une partie du public qui verra le film – ne sont pas d’accord avec sa philosophie.
Vous parlez de "rage" pour décrire Black Adam, et le film semble beaucoup reposer sur son côté antihéros.
Oui, c’était l’un des attraits du personnage : il est dans la zone grise. Ni bon ni méchant. C’est super marrant à jouer, un type sur qui on ne peut pas vraiment mettre d’étiquette. On s’amuse beaucoup avec ça : personne d’autre que lui ne lui dicte ses règles. Il carbure à la colère parce qu’il a tragiquement perdu sa famille, et que son fils s’est même sacrifié pour lui. Ensuite, il a passé 5 000 ans dans une tombe ! Ce qu’il va apprendre au cours du film, c’est le self-control. Faire pause avant de réagir, ne pas laisser ses réflexes parler et sa rage prendre le dessus. Et paradoxalement, ça le rend encore plus puissant.
Donc le ton est relativement sérieux ?
Relativement. Disons que ce n’est pas Shazam ! Ce qu’il faut comprendre, c’est que c’est un personnage qui utilise son intelligence comme un super pouvoir, qui aime les joutes psychologiques. Il peut y avoir des touches d’humour noir là-dedans. Par exemple : quand il veut s’imposer intellectuellement face à quelqu’un, il va juste se mettre à flotter en hauteur, forçant l’autre à le regarder en levant la tête. Ce n’est pas grand-chose, c’est subtil, mais c’est marrant. On voulait respecter la mythologie des comics mais aussi apporter quelque chose de neuf. Ce qui est cool, c’est que personne ne l’a encore incarné sur grand écran. Pas de point de comparaison. J’étais libre.
Black Adam, de Jaume Collet-Serra, le 19 octobre au cinéma.
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