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Bien que reparti pour la première fois sans prix de Cannes, c’est un tour de force que réussit ici le cinéaste palmé de 4 mois, 3 semaines et 2 jours : encapsuler en deux heures toutes les problématiques communes à nos sociétés occidentales (chômage, précarité grandissantes, peur et par ricochet haine de l’étranger…) dans un geste de cinéma fort où naturalisme et onirisme dialoguent à merveille. Son récit se déploie dans un village multiethnique de Transylvanie où l’embauche dans une usine de fabrication de pain de travailleurs venus du Sri Lanka va mettre le feu aux poudres et faire exploser les haines de classe, de religion et de race enfouies depuis des années. Avec une scène aussi symbolique qu’impressionnante : 17 minutes de plan séquence au cœur d’une réunion municipale visant à décider si oui non les Sri- Lankais doivent être chassés du village. Sachant que les locaux ont décliné la proposition d’occuper ces postes, préférant aller mieux gagner leurs vies hors de leurs frontières… dans des pays où ils deviennent donc eux- mêmes des étrangers – haïs et craints – aux yeux des autres !
Mungiu explore l’absurdité tragique de cette situation et décrypte les rumeurs et les angoisses infondées à la base de cette haine de l’étranger. Et ce pendant qu’autour de ce village dont l’ultra- majorité des habitants laisse libre cours à son instinct le plus bassement animal, traînent des ours à qui le cinéaste laisse le dernier mot lors d’un plan final aussi majestueux que propice à toutes les interprétations.