La brillante adaptation de Jim Thompson par Alain Corneau est à l’honneur ce soir de Place au Cinéma, présenté par Dominique Besnehard sur France 5
Un duo d’écrivains au générique
Série noire met en scène un représentant de commerce à l'existence minable qui va sombrer dans le crime et la folie à la fois par amour et pour sortir de sa condition. Pour son quatrième long métrage, Alain Corneau réalise un de ses rêves: adapter sur grand écran un roman de l’écrivain américain Jim Thompson don il était un immense admirateur. Il s’y était employé au milieu des années 70 en partant aux Etats- Unis le rencontrer afin d’écrire ensemble une adaptation de son Pop 1280. Mais ce film ne vit jamais le jour et c’est Bertrand Tavernier qui finira s’emparer en 1983 de cette œuvre avec Coup de torchon. Avec Série noire, Corneau adapte Des cliques et des cloaques écrit par Thompson en 1954 et transpose l’histoire de l’Amérique des prolos à la banlieue parisienne. Il ne peut cette fois- ci travailler avec Thompson, décédé en 1977 et entreprend cette adaptation avec un autre écrivain mythique, le français Georges Perec (qui avait co- réalisé en 1975 avec Bernard Queysanne l’adaptation de son Un homme qui dort). Un travail de longue haleine et complexe pour à la fois adapter le récit à la société française et couper dans les 239 pages pour parvenir à un film d’1h50.
Le rôle préféré de Parick Dewaere
Sans Patrick Dewaere, Série noire n’aurait jamais existé. Alain Corneau l’a souvent répété : il aurait renoncé à ce projet si le comédien avait refusé d’incarner son personnage central, Franck Poupard. Mais Dewaere n’hésita pas une seconde, après la lecture du scénario, pour endosser ce personnage dont il confiera des années plus être celui qu’il avait préféré incarner dans toute sa carrière. Sans doute parce que ce rôle trouvait un écho particulier avec sa vie privée d’alors (ballotée entre rupture amoureuse, drogue et dettes à gogo). Ce qui explique pourquoi, il plongea à corps perdu dans ce rôle, utilisant ses propres souffrances pour créer celles de Poupart, perdant dix kilos en quelques semaines ou se fracassant réellement la tête contre sa voiture, dans une scène devenue culte. Corneau, lui, adapta sa mise en scène à la composition de son interprète principal. En tournant – chose rare à l’époque – avec deux ou trois caméras pour ne rien rater de la spontanéité des situations. En faisant volontairement très peu de prises. Ou encore en enregistrant le son non avec la traditionnelle perche mais grâce à des micros haute fréquence sans fil disposés sur les acteurs
Un film culte pourtant oublié des prix
Série noire est retenu en compétition lors du festival de Cannes 1979. Une compétition relevée (dont Apocalypse Now et Le Tambour se partagent la Palme d’Or) avec Françoise Sagan Présidente du Jury et dont il repart bredouille. Série noire réunira ensuite près de 900 000 entrées en salles mais connaîtra un nouvel échec lors des César 1980. Nommé à cinq reprises (acteur avec Patrick Dewaere, second rôle masculin pour Bernard Blier, second rôle féminin pour Myriam Boyer, adaptation et montage), il ne fut même pas cité en meilleur film (trophée remporté cette année- là par Tess de Roman Polanski face à Clair de femme de Costa- Gavras, Don Giovanni de Joseph Losey et I… comme Icare d’Henri Verneuil) et repartit bredouille. Le César du meilleur acteur promis par les pronostiqueurs à Patrick Dewaere a en effet été remporté cette année- là par Claude Brasseur pour La Guerre des polices.
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