Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
SAUVER OU PÉRIR ★★★★☆
De Frédéric Tellier
L’essentiel
Plus qu’un hommage aux pompiers, le film de Frédéric Tellier est surtout le portrait bouleversant d’un homme et d’un couple en reconstruction
L’affaire SK1, le précédent film de Frédéric Tellier qui relatait la traque de Guy Georges, s’inscrivait dans le genre très américain du film de flics « comme si on y était », avec ses limiers ordinaires obsédés par les grands criminels, en conflit avec leurs supérieurs psychorigides et leurs épouses dépressives.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE A AIMÉ
LE GRINCH ★★★☆☆
De Yarrow Cheney et Scott Mosier
Au départ, il y a bien évidemment un livre : Le Grincheux qui voulait gâcher Noël, signé par un des génies américains de la littérature jeunesse, le Dr Seuss. Puis en 2000 le premier passage au cinéma avec un numéro de zébulon de Jim Carrey devant la caméra de Ron Howard. Le Grinch version 2018 réapparaît sur grand écran mais par le biais cette fois-ci de l’animation avec à la manœuvre le studio Illumination, les papas de Moi, moche et méchant.
Thierry Cheze
LES VEUVES ★★★☆☆
De Steve McQueen
Il s’en était bien tiré jusque-là. Hunger sur Bobby Sands, l’IRA et les grèves de la faim. Shame sur l’addiction au sexe, New York, les traumas d’enfance. Et puis 12 Years a Slave est venu tout flanquer par terre, transformant presque malgré lui Steve McQueen en cinéaste black, pire, en porte-parole. Il a été attaqué pour ça (de quel droit lui, Anglais, même noir, pouvait-il s’attaquer à l’esclavage aux USA ?), il a été célébré pour ça (Oscar du meilleur film en 2014, à l’émotion). Il s’est surtout retrouvé menacé d’être réduit à ça.
Guillaume Bonnet
LOLA ET SES FRÈRES ★★★☆☆
De Jean-Paul Rouve
Depuis Quand j’étais petit, son deuxième film, Jean-Paul Rouve laisse émerger une émotion à fleur de peau. Son sujet de prédilection : la famille. Les souvenirs racontaient avec beaucoup de douceur et d’élégance la fin de vie d’une grand-mère, et sa relation à son petit-fils. Lola et ses frères est dans la même veine.
Sophie Benamon
GUTLAND ★★★☆☆
De Govinda Van Maele
Un vagabond hirsute trouve refuge dans un bled luxembourgeois cerné par les champs de blé. À mesure que se décante le passé trouble de l’étranger, ce dernier, surnommé « l’Allemand », découvre que ses hôtes ne sont pas en reste au rayon cadavres dans le placard. Sur cette trame archétypale, le premier film de Govinda Van Maele brode un thriller rural plutôt efficace, noué autour de la romance entre le nouveau venu (Frederick Lau, qui surjoue un peu le bloc de granit) et la fille du maire (Vicky « Phantom Thread » Krieps, lumineuse). L’ambiance mystérieuse, truffée de non-dits, fait monter la sauce parano crescendo, tout en délivrant en creux un discours iconoclaste sur l’immigration, envisagée comme un pacte faustien : s’intégrer, c’est partager la culpabilité de son pays d’accueil.
Éric Vernay
LES HÉRITIÈRES ★★★☆☆
De Marcelo Martinessi
« On a vu souvent rejaillir le feu de l’ancien volcan qu’on croyait trop vieux. » Ces paroles de Ne me quitte pas pourraient accompagner à merveille ce premier film et les tourments vécus par son héroïne. Une riche sexagénaire paraguayenne qui, en faillite après avoir longtemps mené grand train, vend ses biens, voit sa compagne incarcérée pour fraude et se retrouve à faire le taxi pour gagner sa vie. Jusqu’à ce que sa route croise celle d’une charmante jeune femme qui va faire renaître en elle des désirs oubliés. Ce portrait de femme osant affronter ses tourments, financier et affectif, dresse en creux celui d’une élite paraguayenne soudain inquiète des lendemains qui déchantent. Confus dans sa mise en place et un peu trop aride, Les Héritières emporte le morceau grâce à la délicatesse minutieuse avec laquelle Ana Brun (primée à Berlin) incarne cette métamorphose intérieure.
Thierry Cheze
LA PERMISSION ★★★☆☆
De Soheil Beiraghi
Paradoxe : c’est d’Iran que nous vient ce beau film sur les droits des femmes. L’héroïne est Afrooz, capitaine bondissante de l’équipe nationale de futsal. La jeune femme qualifie son équipe pour la finale de la Coupe d’Asie mais, au moment d’embarquer pour la Malaisie, elle apprend que son mari a révoqué son autorisation de sortie du territoire. La force du film est de ne pas être une démonstration politique, mais d’abord un drame intime. Le personnage du mari échappe à la caricature du patriarche autoritaire et rétrograde. C’est un bel homme, présentateur télé, mais un homme blessé qui utilise un moyen de pression que lui offre la loi pour retenir sa femme. Il y a du Asghar Fahradi dans cette Permission-là. Comme le maître du cinéma iranien, le jeune réalisateur, Soheil Beiraghi, joue sur la subtilité des enchaînements et l’absurdité de certaines situations.
Sophie Benamon
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
VOYAGE À YOSHINO ★★☆☆☆
De Naomi Kawase
Voyage à Yoshino est le premier Naomi Kawase à sortir en France sans être passé par la case cannoise où elle a son rond de serviette depuis sa Caméra d’or en 1997 pour Suzaku. Un retour à la normale donc pour une réalisatrice qui, depuis vingt ans, use (et abuse aussi) des mêmes effets pour donner naissance à des films béats épris d’une grandeur panthéiste. Ici, ça ne fonctionne pas. Le retour d’une Française (Juliette Binoche) à la recherche d’une plante médicinale rare sur les lieux nippons de son premier amour ne trouve pas le lyrisme qu’on lui prête d’habitude. Naomi Kawase célèbre la beauté de la nature mais sans la transcender. Elle succombe à son travers : la tentation de sursignifier les choses au lieu de les esquisser. Et la lenteur qu’elle inflige à son récit tient plus de la pose que de la vraie poésie.
Thierry Cheze
A BREAD FACTORY, PART 1 : CE QUI NOUT UNIT ★★☆☆☆
De Patrick Wang
Patrick Wang continue d’interroger la société américaine, mais sur un mode plus léger, moins mélo que précédemment. Dans une petite ville, un espace artistique dirigé par deux vieilles dames est menacé par l’arrivée d’un tapageur duo de performers. Vont-elles perdre les fonds publics perçus jusqu’alors ? En mêlant la satire mordante (de la gentrification, de la tartufferie du monde de l’art, de la corruption de la démocratie par l’argent) avec la chronique sensible d’un lieu menacé, ce curieux film choral de lutte sociale peine à trouver sa tonalité, son incarnation. Et ce malgré la chaleur empathique du regard de Wang, toujours friand de longs plaidoyers cadrés à la Ozu dans des intérieurs boisés. À moins que ça ne décolle dans le deuxième volet ?
Éric Vernay
TERRA FRANCA ★★☆☆☆
De Eleonor Teles
Pour son premier long métrage, la portugaise Leonor Teles dresse, au fil de quatre saisons, le portrait d’un pêcheur qu’elle connaît depuis sa plus tendre enfance. Un portrait protéiforme qui tient tout à la fois de la chronique sociale (le matériel du pêcheur est saisi car il a jeté ses filets sans le savoir dans une zone classée depuis peu réserve naturelle) que familiale (l’organisation du mariage de sa fille aînée). Il y a énormément de délicatesse dans la manière dont la cinéaste accompagne le quotidien de cet homme et sa volonté d’esquisser par petite touches la photographie la plus précise possible de qui il est et qu’il l’entoure. Mais à force de fuir toute forme de dramatisation, son Terra Franca finit peu à peu par susciter l’ennui, oubliant de tendre la main vers le spectateur pour un résultat dont la cérébralité finit presque par résonner comme un contresens par rapport à la promesse de départ. Et tient en tout cas trop à distance de cette pourtant très belle histoire de transmission.
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
DIAMANTINO ☆☆☆☆☆
De Gabriel Abrantes & Daniel Schmidt
Il faut reconnaître à Diamantino un certain talent pour éveiller la curiosité, avec son héros footballeur bête et faible, qui visualise d’immenses chiots à poils longs courant dans une mousse rose quand il prend le contrôle du ballon. L’affaire s’emberlificote pourtant à grande vitesse dans le sillage de cette image. Sous couvert de satire, le film s’attaque à la crise des migrants, au trollisme médiatique, aux manipulations génétiques, à la transsexualité, à la montée de l’extrême droite et au complexe d’infériorité portugais. Une mixture grumeleuse qui ne rend justice à aucun des genres qu’elle visite (science-fiction, comédie absurde, romance) et prend tout le monde de haut, de ses personnages ultra caricaturaux au spectateur lui-même, sommé de bien vouloir confondre poésie et gesticulation, faux nanar conscient et vrai navet navrant.
Michaël Patin
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