Jonathan Cohen, Guillaume de Tonquédec, Fabrice Eboué et Ramzy Bedia dans CoeXister
John Waxxx - 2017 EuropaCorp – Chez Félix – France 2 Cinéma

On l’avait rencontré lors de la sortie de son savoureux CoeXister, diffusé ce soir sur France 2. Et il nous avait raconté son rapport au cinéma.

Quel rapport aviez- vous au cinéma dans votre adolescence ?

Fabrice Eboué : Au départ, c’était un simple loisir. Ni plus ni moins. Je suis quelqu'un d'assez scolaire, même si, gamin, j'étais en rébellion contre ce système-là. Mais on n'échappe jamais au moule de son éducation façonnée, dans mon cas, par un père médecin et une mère prof. Ils ont fait naître chez moi l'amour des mots. A 16 ans, j'ai donc commencé à envoyer des manuscrits à des maisons d'édition. Puis au fil des lettres de refus, j'ai compris que ça ne marcherait pas comme ça. Je me suis donc mis à écrire des sketches et à monter sur scène. D'abord aux Blancs-Manteaux en 1998 puis avec le Jamel Comedy Club. C’est comme ça que tout a commencé pour moi…

Quel genre de spectateur êtes- vous ?

Mon penchant pour les films peu consensuels s'est révélé assez tôt. (rires) Comme C'est arrivé près de chez vous, découvert à 14 ans, au grand dam de ma mère, ou Les idiots, de Lars Von Trier. Sinon, je me shoote régulièrement aux vieilles comédies françaises. Je suis un grand fan de Jean-Pierre Marielle et de cette époque de cinéma, qui me correspond. Celle où on osait et où les éclats de rire n'empêchaient jamais le fond

Exactement ce à quoi vous vous employez comme réalisateur en traitant de l'esclavage dans Case départ, de la Centrafrique avec Le Crocodile du Bostwanga et des religions dans CoeXister. Si je vous dis que ce dernier est de loin le plus réussi des trois, qu’en pensez- vous ?

J’en conviens. Le Crocodile du Bostwanga s'est monté trop vite dans l'euphorie du succès de Case départ... Soudain, plus personne n'ose rien vous dire et le scénario s'en ressent. Voilà pourquoi j'ai voulu prendre mon temps sur le troisième. J’ai donc jeté à la poubelle plusieurs comédies d'aventure plus faciles à financer mais trop prévisibles... avant de tomber sur un clip des Trois prêtres, ces hommes d'Église devenus chanteurs, jackpots de l'industrie musicale. En me penchant sur leur histoire, j'ai découvert que le plus jeune est un séminariste qui, après la tournée, s'est désengagé de la vocation pour se marier. Ca a été un déclic.

Pour quelle raison ?  

Je trouvais intéressant d’imaginer une histoire où ces personnes, censées symboliser la chasteté et la sagesse, devenir des sortes de rock stars. Avec les excès qui vont avec. Donc j’ai rapidement élargi ce concept aux deux autres grandes religions monothéistes et réuni un curé, un rabbin et un imam.

A travers ce film, vous vous confrontez par le rire aux débats qui agitent la société sur la difficulté de vivre ensemble…  

J'aime écrire des vannes et je sais qu'un bon effet fera toujours rire. Mais je sais aussi que j'ai pu, par le passé, cacher les faiblesses de mes scénarios sous ce tapis-là. Or faire rire pour faire rire ne m'intéresse pas. J'ai besoin de fond. Voilà pourquoi ce sujet me paraissait idéal pour tenir seul les commandes de la mise en scène pour la première fois. Il était temps de m'assumer !

Ce refus chez vous de tout consensus, surtout un tel sujet, a dû rendre difficile le financement de CoeXister

J’en ai un peu l’habitude. TF1, détentrice des droits de diffusion, n'a par exemple, à l’heure où je vous parle, jamais programmé Case départ à 20h50. Pour CoeXister, je ne compte plus les chaînes de télé et les distributeurs qui m'ont dit: « On aime beaucoup mais on ne peut pas ». Mais j’ai pu compter sur le soutien de France2, après celui d'EuropaCorp... Luc Besson m'a même proposé de regarder le premier montage.

Comment a-t-il réagi ?

Il m'a appelé pour m'expliquer qu'au bout de vingt minutes, il avait failli sortir ! Dès le lendemain, il m'indiquait où couper pour arriver plus vite à la rencontre entre mes trois personnages. Je ne dis pas que sur le moment j'ai sauté de joie. Mais si j'ai une qualité, c'est celle d'écouter les autres. Sur un plateau, je débats avec mes comédiens. Et, chaque soir, je réécris mon scénario. Être réalisateur, pour moi, c'est savoir ce qu'on veut et suivre les conseils avisés.