Dans son savoureux premier long, Céline Devaux mêle animation et prises de vue réelles en dirigeant Blanche Gardin et Laurent Lafitte. Rencontre.
Comment naît l’idée de ce personnage de Jeanne, une jeune femme dont la vie – professionnelle comme personnelle - bascule le jour même qui devait en faire une héroïne planétaire. Au moment où la machine écolo à nettoyer la mer qu’elle a inventée coule à pic, sous les caméras du monde entier avant même sa mise en service ?
Céline Devaux : J’avais envie d’écrire une comédie sur la dépression et évoquer ces fameuses pensées toxiques qui nous traversent l’esprit quand on va mal. Et ce en m’appuyant largement sur mes propres expériences ! (rires) Et pour le personnage de Jeanne, je voulais qu’elle ait un métier capable de faire rêver la planète entière. La machine qu’elle invente peut ainsi apporter une solution à la crise environnementale que nous vivons. Et son échec transcende sa propre personne, il devient celui de tous ceux qui avaient rêvé qu’elle réussisse. C’est pour cela que le KO est plus rude et qu’il est impossible pour elle de s’en relever. Elle porte le poids des espérances perdues sur ses épaules. Et le personnage animé que j’ai imaginé pour l’accompagner dans cette dépression, une espèce de fantôme dont les cheveux recouvrent le visage, constitue sa voix intérieure, celle qui va la harceler, la bousculer pour qu’à un moment elle finisse par remonter à la surface.
A quel moment avez- vous eu l’idée de Blanche Gardin pour incarner Jeanne ?
Pendant la phase d’écriture qui a pris beaucoup de temps, avec plein de versions qui ne fonctionnaient pas, de grands moments de désespoir. Jusqu’à ce que je me rende compte que mon personnage central manquait beaucoup trop d’incarnation : n’arrivant pas à me la représenter, je n’arrivais pas à l’écrire. Et comme j’avais beaucoup d’admiration pour Blanche, je me suis mise à rêver que ce serait elle. Le déclic fut immédiat. Peu à peu, le personnage a pris forme. Et ma chance énorme a forcément qu’elle a lu ce scénario… et bien aimé. (rires)
Jeanne, partie à Lisbonne mettre en vente l’appartement de sa mère décédée, fonctionne ici en duo avec celui de Jean, un ex- camarade de lycée fantasque dont elle n’a aucun souvenir mais qui va l’accompagner tout au long de son séjour. Comment avez- vous construit ce personnage ?
Il m’est directement inspiré par des gens que j’admire dans la vie. Ceux qui ne sont pas régis par la peur, la honte ou l’obsession de la représentation. Ceux qui, à un moment, se sont rendu compte qu’au fond dire la vérité, ça marche, que c’est n’est pas si dangereux que ça rend même la vie plutôt meilleure. Jean s’est donc écrit dans l’idée de cette sincérité- là, alors qu’on peut facilement le soupçonner à l’inverse d’être un menteur tellement il a l’air cool et de se foutre de tout. Mais aussi dans cette idée de la tendresse qu’on peut avoir envers l’autre quand on s’est libéré soi- même de plein de choses dans ce côté anarchique. Les gens très drôles ne sont pas souvent très tendres. Jean est les deux à la fois.
Pourquoi avoir fait appel à Laurent Lafitte pour l’incarner ?
Je cherchais à former un duo avec Blanche. Et ce fut une évidence dès la première lecture. Leurs voix, leurs physiques, leurs manières de bouger… Je n’ai pas eu le temps de répéter mais avec eux, je n’en avais de toute façon pas besoin. Tout était immédiatement limpide dans leurs interprétations.
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