En direct de Saint-Philippe de la Réunion qui s’apprête à affronter un nouveau cyclone, voici le bulletin météo du deuxième jour de Même pas peur, le festival de cinéma fantastique le plus austral de l’Hexagone.
Même pas peur, deuxième jour. Il est 9h. La chaleur et les effluves de rhum qui nous tapent sur le crâne nous rappellent que nous avons survécu aux aventures de la veille : la Kate Bush psychopathe de Bertrand Mandico et les sorcières dévoreuses de mollets n’auront pas réussi à nous terrasser ! Les projections du jour n’ont pas commencé que la petite ville de Saint-Philippe revêt déjà des accents lynchéens. La brume dévore les forêts émeraudes qui couvrent le volcan du Piton de la Fournaise. Les vagues de l’Océan Indien s’écrasent sur les falaises noires qui bordent la ville et les pêcheurs murmurent à qui veut bien l’entendre qu’un nouveau cyclone approche. Il devrait s’abattre sur l’île dimanche. Ils ne sont pas effrayés, plutôt impatients. Le ciel pèse lourd et près du restaurant du Cap Méchant, la sorcière du coin, une vieille dame au parapluie multicolore, hurle aux passants qu’il est encore temps de se convertir. Le festival peut continuer sous les meilleurs hospices !
Les enfants du wasteland
Une nouvelle série de court-métrages démarre les hostilités, parmi eux, Balloon dresse le portrait d’une bizut qui se découvre des pouvoirs magiques. Brutal et cruel, cet anti-film de super-héros résonne comme un portrait angoissé de l’Amérique de Trump : terreau fertile de schoolshooters. A peine plus sympathiques que l’ex président américain, rednecks et dinosaures sont les stars du court-métrage Evie : un survival post-apocalyptique dans lesquels une ado et son père affrontent comme ils peuvent des reptiles géants. Ce mélange de Mad Max et Jurassic Park, à la mise en scène intense et aux effets spéciaux bluffants propose un concept geek plutôt excitant qu’on aimerait voir décliné en série ou en long-métrage. Enfin, El Sueno de los perros a piqué notre attention. Dans un désert espagnol aride, une mère et son fils sont poursuivis par des enfants vampires aux pouvoirs étranges. Sombre, occulte et cru, ce petit thriller horrifique tient en haleine et prend des allures de cauchemar mélancolique.
Lettre au fils
Le long-métrage italien The Land of the sons clôt cette deuxième journée de festival. Dans une tragique scène d’introduction, un jeune garçon, affronte un chien à l’aide d’un couteau sur une plage désolé. Le décor est posé et le reste du film sera tout aussi âpre et glaçant ! Quand il ne combat pas des chiens, ce jeune garçon analphabète survit avec son père mourant dans une lagune après une apocalypse mystérieuse. Né sans nom, il ne reçoit que haine, mépris et violence de la part de son géniteur qui meurt en lui laissant un carnet de notes… A la recherche d’une personne capable de le lire, il se lance dans un voyage dangereux qui le conduira jusqu’au plus profond des ténèbres humaines. Pas une once de joie ni de lumière ne viennent traverser cette quête de deux heures qui nous détrempe jusqu’à l’os et nous fait patauger dans la boue au milieu des cadavres et des ogres.
Forcément, The Land of the sons peine parfois à surprendre tant il avance dans l’ombre de plusieurs chef-d’œuvres du genre : La Route, bien sûr, pour la peinture d’un monde en ruines où les hommes s’entre-dévorent, mais aussi Requiem pour un massacre, ode traumatisante à la fin de l’enfance et de l’innocence. Si l’exposition, très austère, s’étire trop longtemps, empêtrée dans le calme assourdissant et mortifère de la lagune, le film se déploie peu à peu jusqu’à son dernier tiers pour délivrer un final bouleversant, au cœur de l’enfer. On en sort profondément touché et hanté par des images froides de corps flottants, de pendus silencieux et de monstres amnésiques qui se découvrent une parcelle d’humanité à la lueur vacillante d’une bougie.
Une expérience à tenter et qui résonne étonnement avec la thématique des court-métrages présentés précédemment : quel héritage laisser aux enfants, alors que tout espoir semble perdu ? Parviendront-ils à sauver le monde ou seront-il avalés, eux aussi, par le grand cyclone qui gronde au large des cotes de la Réunion ?
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