Toutes les critiques de Les derniers Parisiens

Les critiques de Première

  1. Première
    par Christophe Narbonne

    De tous les groupes de hip-hop nés dans les années 90, La Rumeur est sans doute celui qui impose le plus de respect en raison de sa longévité, de son intégrité artistique et de la profondeur de ses textes. Avec l’excellente minisérie De l’encre (diffusée en 2011sur Canal+), portrait d’une jeune rappeuse hardcore obligée de se renier pour gagner sa croûte, les deux leaders de La Rumeur ont appliqué à la fiction leur credo : de l’authenticité, de l’authenticité, encore de l’authenticité. Pour leur passage au long métrage, ils n’ont rien changé, si ce n’est, peut-être, leur approche de la mise en scène, un peu moins conformiste. Entièrement tourné à l’épaule, au plus près des comédiens, selon un dispositif dardennien, Les Derniers Parisiens se veut une photographie en mouvement d’un quartier, Pigalle, dont Hamé et Ékoué tentent de percer l’âme à travers des portraits sur le vif de ses habitants. Clodos, entraîneuses, mauvais garçons, commerçants, vendeurs à la sauvette sont croqués avec justesse et quasiment mis sur le même plan que Nas et Arezki, les protagonistes du film, un ex-détenu en probation (Reda Kateb, toujours aussi félin) et un patron de bar (Slimane Dazi, phénoménal de présence muette) obligé de chaperonner ce frère cadet envahissant. Avec une écriture aussi précise que triviale, le duo élève ce faux film de gangsters – plein de bruit et de fureur mais dénué d’armes automatiques – au rang de puissante tragédie familiale où perce une infinie mélancolie.