« Place au cinéma », présenté par Dominique Besnehard, sur France 5, rend hommage ce soir à Annie Girardot, disparue voilà 10 ans, avec ce film d’André Cayatte
Un récit inspiré par un tragique fait divers
Mourir d’aimer met en scène une histoire d’amour interdite entre une professeur et un de ses élèves, dans l’ambiance survoltée de mai 1968. André Cayatte s’empare ici en 1971 d’un tragique fait divers qui a fait la une de tous les journaux deux ans plus tôt : le suicide de Gabrielle Roussier, prof de lycée tombée amoureuse d’un de ses élèves âgé de 16 ans, accusée de détournement de mineur, jetée en prison puis qui, libérée et sur le point d’être amnistiée par le nouveau Président Georges Pompidou, choisira donc de se donner la mort à 32 ans en ouvrant la gaz chez elle après avoir constaté que tout retour à une vie « normale » lui serait impossible (l’Académie d’Aix-en-Provence venait de lui refuser le poste d’assistante de linguistique pour lequel elle postulait). L’émotion qui a suivi ce geste désespéré a ému la France entière et même suscité la réforme de la détention préventive, jugée abusive dans le cas de Gabrielle Russier. Charles Aznavour va lui consacrer dans la foulée une célèbre chanson, Mourir d’aimer, en face B de son 45 Tours Non, je n’ai rien oublié. Jacques Deray annonce sa volonté de lui consacrer un film. Mais c’est finalement André Cayatte qui s’y attellera en demandant à Aznavour d’utiliser le titre de sa chanson.
Un réalisateur passionné de Justice
Ce n’est en rien un hasard si Cayatte se lance dans ce projet. Avocat dans les années 30, il s’est fait un spécialiste depuis les années 50 des films qui décryptent les rouages judiciaires (Justice est faite, Nous sommes tous des assassins…) ou plongent dans les arcanes de faits divers célèbres comme quatre ans plus tôt avec Les Risques du métier où il revenait sur la tragique histoire d’un instituteur jeté à la vindicte populaire après avoir été accusé à tort de pédophilie par une de ses élèves. Avec sa caméra, Cayatte entend donc traquer l’injustice et empêcher que des histoires similaires qui pourraient se produire dans le futur n’aient les mêmes conséquences. D’où l’idée avec Mourir d’aimer, tout en s’appuyant sur la réalité d’un cas particulier (il a fait appel à Albert Naud, l’avocat de Gabrielle Russier, pour l’écriture du scénario avec le journaliste Pierre Dumayet), de tendre vers l’universalité du propos en changeant les noms des protagonistes et la ville où s’est produite l’affaire
Haï par Truffaut, adoré par le public, un tremplin pour Annie Girardot
L’affaire Gabrielle Russier avait un temps divisé la France, Mourir d’aimer le fera aussi. Une lettre de François Truffaut dénonçant la démagogie de Cayatte dans son traitement du sujet mettra le feu aux poudres. Mais le public, lui, se rendra en masse dans les salles, offrant au film le troisième plus gros succès de l’année 1971. Cet immense succès va changer le destin de son interprète principale, Annie Girardot. Car si après avoir envisagé d’arrêter sa carrière, elle a été relancée par Claude Lelouch pour devenir – grâce notamment à Vivre pour vivre ou Un homme qui me plaît - l’actrice la mieux payée du cinéma français ; c’est bien avec le film de Cayatte qu’on commencera à financer des films sur son nom au fil d’une décennie prodigieuse où elle s’imposera comme la comédienne la plus populaire de l’hexagone avec des films comme Docteur Françoise Gailland, Tendre poulet, La Zizanie, La Gifle…
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