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Notre avis sur L'Odyssée, bien plus qu'un biopic de Cousteau. Diffusion dimanche à 21h05 sur TF1.

Fin des années 40. Ancien officier émérite, Jacques-Yves Cousteau consacre depuis la fin de la guerre son énergie à développer les moyens d’explorer les fonds marins. Grâce à son scaphandre autonome, il devient le pionnier du film sous-marin et commence à devenir une célébrité mondiale. Sa femme et ses deux fils souffrent de sa mégalomanie grandissante, surtout Philippe, le cadet des enfants.

Le principal écueil pour quiconque réalise un biopic est d’avoir tellement de matière disponible qu’il est tentant de tout traiter pour être sûr de ne rien laisser de côté. Le résultat pâtit souvent de cette absence de choix sans lequel point de storytelling ni de mise en perspective. S’agissant de Cousteau, dit JYC, Jérôme Salle aurait ainsi pu évoquer l’officier marinier devenu agent de renseignement pendant la guerre, le scénariste de nombre de documentaires subaquatiques, l’inventeur/concepteur/adaptateur de génie, le cynique leveur de fonds, le père de l’écologie, le géniteur de deux fratries ennemies, on en passe. Tout cela, ou presque, est dans le film mais de façon suffisamment elliptique (Salle et son coscénariste Laurent Turner font confiance à la mémoire collective et distillent quelques petites scènes édifiantes qui ferment habilement certains chapitres secondaires) pour ne pas s’écarter de l’axe narratif autour duquel se déploie l’histoire qui nous est contée : celle d’un père et d’un mari absent, dont l’odyssée personnelle prit le pas sur sa charge de pater familias pour le malheur de son fils Philippe, le membre le plus sensible et le plus original de la tribu Cousteau. De manière aussi modeste qu’efficace, Salle oppose l’impressionnant pragmatisme de l’un à l’intuition visionnaire de l’autre (c’est Philippe qui transmit le virus de l’écologie à son père), le coureur de jupons et de célébrité au loup solitaire…

Exploration des âmes et des océans

Il ne s’agit pas pour les auteurs de brûler une idole mais de lui rendre visage humain, de substituer à la Statue du Commandeur le cliché d’un type débonnaire au bonnet rouge animé d’une passion dévorante et de rêves de grandeur qu’il eut du mal à canaliser et que sa relation tumultueuse avec Philippe ramena sans cesse sur terre. Concentré sur le père et le fils, mais aussi sur la mère incarnée avec autorité par Audrey Tautou, Salle sacrifie au passage certains personnages tels que le fils aîné, Jean-Michel, réduit à un bon bougre dans l’ombre de son cadet, ou l’épouse de Philippe, sublime mannequin qui fait tapisserie pendant tout le film. Mais l’essentiel est ailleurs. Objet de toutes les attentions, la confrontation entre Lambert Wilson et Pierre Niney est ainsi à la hauteur des attentes qu’elle suscite. Le charisme tranquille du premier, émacié et perçant comme il faut, contraste parfaitement avec la fragilité romantique du second et donne sa raison d’être au film qui explore autant ces âmes tourmentées que les profondeurs des océans. Hyper mobile (pour aller chercher l’expression qu’il faut ou simplement impressionner en donnant à voir l’ampleur de la reconstitution), figeant de purs moments de grâce (la rencontre entre un plongeur et une baleine), servie par une photographie exemplaire, la caméra éclaire à merveille le propos et la démarche de Salle qui visent moins l’illustration appliquée que la sidération pure.