Sur Netflix, Iñárritu fait son 8 ½ : une farandole de visions surréalistes, parfois époustouflante, mais qui peine à dépasser l’ego-trip et atteindre l’universel.
Alejandro G. Iñárritu dit en interview qu’il en a un peu marre qu’on compare Bardo à 8 ½. Il préfère se réclamer des traditions sud-américaines du surréalisme et du réalisme magique. Mais n’empêche : quand on dit 8 ½, tout le monde comprend. L’autoportrait du cinéaste en crise est devenu, depuis le chef-d’œuvre de Fellini, un genre en soi. Libre à chacun ensuite de le réinventer selon son goût, sa vision du monde, ses obsessions. Inspiré par le Bardo Thödol, le Livre des morts tibétain, Bardo prend la forme d’une longue sarabande de visions, flottant entre rêve et réalité, pour raconter le sentiment d’imposture éprouvé par le réalisateur mexicain après ses triomphes hollywoodiens, et sa culpabilité d’exilé de luxe vis-à-vis de son pays natal. La façon dont la caméra de Darius Khondji glisse d’un état de conscience à l’autre est virtuose, les séquences s’enchaînent comme des mini-films dans le film, parfois inspirés, brillants, rigolos, mais plus souvent sentencieux, pompeux, emphatiques. Paradoxalement, les scènes les plus réussies sont les plus terre-à-terre : un petit-déjeuner en famille, un clash avec un douanier américain zélé. Là, on sent vraiment battre le cœur d’Iñárritu, sa vérité, qui alors nous implique. Le reste du temps, celle-ci est étouffée par la boursouflure du trip et un égocentrisme un peu embarrassant – malgré le second degré affiché. Un journaliste avait un jour demandé à Fellini : « De quoi parle 8 ½ ? », et Federico avait répondu : « De ta vie. » Dans Bardo, malheureusement, Iñárritu ne parle presque que de lui.
De Alejandro G. Iñárritu. Avec Daniel Gimenez Cacho, Griselda Siciliani, Ximena Lamadrid… Durée 2h54. Disponible sur Netflix le 16 décembre 2022
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