Le film tant attendu de Terry Gilliam sort enfin en salles et fait la clôture du Festival de Cannes 2018.
Si la question est de savoir si L'Homme qui tua Don Quichotte, le nouveau film de Terry Gilliam, est réussi, alors la réponse est non. Comme on sait, en réalisant son adaptation de Cervantès, Gilliam boucle une quête de plus de vingt ans. Le cinéaste aura tout essuyé : les tempêtes, le forfait de son acteur (Jean Rochefort en 2000), le retrait des financiers, les reports et les accidents de tournage, et même un bras de fer avec son ancien associé (Paulo Branco) qui voulait interdire le film… Le film est là, enfin sur les écrans et vu l’attente, vu l’ambition, ce que l’on voit est plus que décevant. L’histoire est celle d’un jeune réalisateur à la mode parti tourner en Espagne un spot de pub pour une marque de vodka. Entre la recherche des sponsors et ses acteurs misérables, le projet semble mal avancé. Un soir, il tombe sur une copie pirate de son premier film, L’Homme qui tua Don Quichotte. Tout à coup, le passé se rappelle à lui. L’art aussi, qu’il a sacrifié, vendu au diable et à l’argent… Quittant son tournage, il part sur les traces de son film et découvre petit à petit comment sa fiction a modifié le réel.
L’Homme qui tua Don Quichotte, de Terry Gilliam, sortira bien au cinéma
Tout est là : les délires de grandeur, la poursuite d’idéaux romanesque de justice et de liberté, la confrontation entre les cyniques et les rêveurs et le refus d’abandonner. Des thèmes qui sont dans le roman chevaleresque de Cervantès, mais qui infusent aussi toute la filmo de Gilliam depuis des années. La structure du film est lâche, puisqu’on est dans le domaine du rêve et du surréalisme. Ce n’est pas un problème. Ce qui l’est plus en revanche, c’est que son Don Quichotte souffre du syndrome gilliamesque habituel : le gigantisme nain. Entre l’ambition folle, l’idée magnifique et sa réalisation il y a un monde, cruel. Gilliam semble sur le terrain du cinéma totalement lessivé. Et même s’il fait tout ce qu’il peut pour donner le change, son film est une attraction foraine désuète (pour ne pas dire ringarde) qui oscille entre le grand-guignol et l’entreprise de dynamitage artistique. Seulement, son sens de cinéma qu'on entrevoyait encore dans Tideland s’est émoussé et ses ambitions de grandeur et d’auteurisme plombent un film qui n’est jamais mordant, jamais épique. Au contraire, sans carburant, son cinéma de contrebandier laisse apparaître les ficelles : sa poésie bricolo cheap, les musiques assourdissantes, le grand angle partout et le numérique à tous les étages ainsi que sa direction d'acteurs plus que fluctuante. Ses visions dantesques devaient synthétiser 40 ans de cinéma, elles paraissent anémiées. Reste le geste de cinéma. Le making of. Impressionnant. D'autant plus qu'il donne une certaine couleur au film Derrière la farce méta, Gilliam propose une vision du cinéma triste et amère (l'art aux mains de financiers débiles et un univers artistique où tout le monde semble avoir abdiqué face aux puissances financières) qui tord le bide. Le fait qu’on puisse enfin voir ce film est finalement la seule chose qui compte. Gilliam aura battu ses propres moulins à vent.
Présenté en clôture du 71ème Festival de Cannes, L'Homme qui tua Don Quichotte est actuellement en salles. Bande-annonce :
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