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Nathalie Baye incarne avec une conviction troublante la pudeur écorchée, la haine de soi, la lucidité insoluble dans l'alcool...Sa prestation n'est pas pour rien (euphémisme) dans la réussite paradoxale de ce film bancal mais terriblement attachant.
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Malgré nos a priori en regard du casting et du sujet, le premier film de Jacques Fieschi a su tirer le meilleur parti de ce que le scénariste, devenu pour l'occasion réalisateur, maîtrise le mieux : une caractérisation forte et ciselée des failles intimes. A défaut d'imposer un vrai style en marge d'un certain cinéma d'auteur français centriste, La Californie trouve sa tonalité propre.
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- vos impressions ? discutez du film La Californie sur le forum cinémaD'emblée les craintes. Le nom de Jacques Fieschi est en effet associé au cinéma d'auteur français le plus propre, aux cinéastes à la qualité française patentée : Pialat, Sautet, Garcia, Jacquot, Assayas, avec qui il collabora parfois comme scénariste, parfois pour le meilleur, souvent pour le pire. De l'écriture, sa conscience, sa précision, il sera d'ailleurs beaucoup question dans La Californie. D'abord par la prédisposition à l'étude de caractère, à l'exploration des tourments psychologiques de personnages visités avec leurs désirs et leurs ambiguïtés, leur être-là. Puis par une aptitude à la narration ciselée où chaque scène évite de se perdre sans se justifier ailleurs, et où sa matière première (une adaptation de Chemin sans issue de Georges Simenon dont Fieschi garde cette précision dans la description des drames du genre humain, sa violence, ses passions) est sans cesse étoffée, jamais oubliée. Evite-t-on ainsi cette « qualité française » évoquée ci-dessus pour faire un pas vers une oeuvre nouvelle, un cinéaste singulier ? Pas si sûr.La Californie, la vraie, tient ici plus d'une image palimpseste que d'une métaphore ou du simple jeu de territoire. Celle dont il est question, c'est celle de Cannes. Sur ses hauteurs qui tient un peu d'un Beverly Hills de Riviera se réunit une galerie de personnages contaminés par l'histoire, la leur comme la grande, et le temps. Au centre Maggie (Nathalie Baye) dirige son palace comme une héritière en fin de règne. Elle est la reine improbable d'une cour hétéroclite où se mélangent son coiffeur pédé has been et son amant éphèbe, une amie pas encore trop alcoolique et deux exilés serbes, Mirko, son amant, et Stefan (Roschdy Zem et Radivoje Bukvic), deux hommes liés comme des frères et dont la relation est bouleversée par l'arrivée de la fille de Maggie. Ils vivent tous sur les derniers deniers de la reine dont ils tolèrent tous les excès d'humeur par amour, amitié, affection ou compréhension morale. Les personnages composent ainsi un kaléidoscope de sentiments plongé dans une ambiance désuète et kitsch qui renvoie à leur condition et leurs relations fragiles. Du Beverly Hills californien, Fieschi emprunte l'idée d'une oisiveté et d'un paysage où l'argent ravage les rapports humains et où chacun est en exil de quelque chose, quelque part ou quelqu'un. Territoire d'une violence sourde, presque ancienne, où les illusions côtoient la conscience aiguë des désillusions.Dans ce paysage où chacun cherche l'amour mais rien ne s'installe, où l'on se méfie, se jalouse, s'esquinte, où le désespoir se nourrit du passé de chacun, de ses erreurs, de ses volontés de pardon, Roschdy Zem et Ravidoje Bukvic tiennent une place centrale. A la tristesse des amours impossibles de Nathalie Baye, femme seule, multiple maîtresse dont la misère affective la pousse aux excès et à acheter la compagnie des autres sans qu'ils ne lui répondent toujours sur le même ordre, Fieschi confronte la trajectoire des deux hommes, leur fidélité, leurs liens, jusqu'à l'objet de leur séparation, une trahison impulsive. On comprend vite que la famille - celle du sang et celle que l'on se fait - est aussi le grand sujet de La Californie. Au début le cinéaste y répond par la légèreté et une certain sens de la comédie, du décalage, souvent forcé, parfois cliché, pas très concluant. Puis la dissolution du groupe à l'oeuvre, le film s'écarte vers une tonalité triste, une ivresse un peu malade où l'idée du bonheur et de son territoire est constamment mise à l'épreuve. Le film alterne alors des passages parfois obligés avec des moments où la description de la cruauté humaine, de son caractère inéluctable, rassure sur la justesse du regard, son pessimisme.Le format « scope » aurait pu diluer les tensions et défaire le corps de Nathalie Baye (qui rappelle ceux filmés par John Cassavetes et fait penser à la Gena Rowlands d'hier et aujourd'hui). Mais La Californie en use pour mieux recentrer les personnages dans un régime de confrontations où l'espace les dépasse. De la villa en décorum rococo à la ville noctambule où défilent les clubs, les bars branchés et les boutiques de luxe, les personnages semblent ainsi errer dans un paysage à la fois réel et irréel (californien) que l'écran large cadre avec une volonté d'associer l'intime à l'atomisation du monde. Si l'association et le parti pris sont parfois surfaits (trop pensés, trop théoriques), Jacques Fieschi atteint par instants un sens du déséquilibre qui colle au mieux à ce qu'il sait décrire, les failles de ses personnages, la conscience qu'ils ont d'eux-mêmes, leur propre négation et leur errance.Par cette mesure entre les dialogues, des comédiens qui assurent pour beaucoup la mise en scène et un « scope » où l'espace joue son rôle, La Californie sait délivrer une émotion, au prix d'une réelle rigueur formelle. Pas complètement convaincant, encore trop proche des rivages d'une qualité franco-française à l'étude psychologique dense et où l'acteur est roi, le premier film de Fieschi trouve malgré tout sa tonalité, discrètement.La Californie
Réalisé par Jacques Fieschi
Avec Nathalie Baye, Ludivine Sagnier, Roschdy Zem
France, 2005 - 105 mn
Sortie en France : 25 octobre 2006
[Illustrations : © Mars Distribution]
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