Une série de détective privé postmoderne qui repose surtout sur l’extraordinaire performance de Colin Farrell.
« Tout était flou, cru et biblique », écrit Pynchon à propos de L.A. quelque part dans Inherent Vice. C’est une bonne manière de résumer cette nouvelle série post… Inherent Vice. Réalisée par Fernando Meirelles, Sugar suit les aventures d’un détective engagé par un mogul hollywoodien pour retrouver sa petite fille. En chemin, il va croiser des réalisateurs corrompus, des icônes déchues, et toute la faune interlope de L.A. aussi cabossée que lui. Puzzle énigmatique qui hommagerait à la fois Altman et Cassavetes et fonctionnerait comme un Haïku désaccordé, ce show rutilant (avouons-le, parfois limite chichiteux) se suit pour deux raisons essentielles. D’abord les fixettes ciné.
John Sugar est un dingue de cinoche. Sur sa table basse traînent les Cahiers du cinéma (où est passé son Première ?). Cinéphile, mais du genre sérieux donc. Et, comme dans la série Dream on, cette obsession va contaminer le récit. Régulièrement des extraits de films noirs qui habitent ses pensées viennent strier l’écran. Kirk Douglas distribue des pains, Bogart répond au téléphone ou Widmark s’installe au bar… C’est un peu facile, on flirte à la limite du kitsch, mais le résultat habille bien cette série aussi stylée que vintage.
Stylé : le mot semble avoir été inventé pour Colin Farrell qui n’a jamais été aussi séduisant et magnétique. Affuté comme jamais. L’ancien countryboy dublinois est passé par tous les états - jeune premier prometteur, épave bouffie par l’alcool et acteur surdimensionné. Il a su remonter la pente pour arriver à ce rôle visiblement taillé pour lui. Ce personnage de privé philosophe, si cool à l’extérieur mais si fracassé à l’intérieur, lui permet de ressusciter totalement. Mi-Bogart (pour le détachement existentiel) mi-Cassavetes (pour le dandysme suprême de Johnny Staccato), il est hallucinant, et semble sorti tout droit des fifties pour nettoyer le Los Angeles contemporain.
L’étude de caractère se tient ; les ressacs de souvenirs traumatiques secouent ; les pulsions de de mort qui l’habitent tiennent en haleine ; et sa classe et ses remords lui permettent de faire avancer la série entre suavité et mélancolie, entre renoncement et espoir. Ne vous accrochez pas trop à l’intrigue (inexistante et résolue de manière très décevante), lancez plutôt Sugar comme la toile de fond d’un week-end pluvieux et mélancolique. C’est fantastique.
Sugar créée par Mark Protosevitch et réalisée par Fernando Meirelles est disponible sur Apple TV+ (et Canal+ en France)
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