La série a dérivé vers un douce folie loufoque qui lui va à ravir.
Ne nous mentons pas, le retour de X-Files a été calamiteux, le 3 janvier dernier. Le premier épisode de la saison 11 fut d'une absurdité confondante, un mic-mac insondable, aussi ringard que pathétique. C'est clair, depuis le lancement du revival, à chaque fois que X-Files remet le doigt dans l'engrenage infernal de sa mythologie, elle se fait écrabouiller jusqu'au cou. Aucun doute, la série, telle qu'on la connaissait aux grandes heures des années 1990, est morte. La grande histoire conspirationniste d’invasion alien est dépassé, démodée, et désormais usée jusqu'à la corde.
La saison 11 de X-Files sera bien la dernière de Gillian Anderson
En fait, dès que Chris Carter rajoute une pièce à sa tapisserie SF, il gâche un peu plus l'oeuvre qu'il avait si bien fabriqué il y a 20 ans. Alors oui, on craint franchement le grand final qui s'annonce dans une semaine (le 21 mars prochain). Mais en même temps, on est bien obligé de reconnaître aussi que la saison 11 qui se termine, fut une improbable réussite.
Pourquoi ? Comment ? D'abord parce que Chris Carter n'a pas écrit la plupart de la saison. Il a laissé ses auteurs historiques - ceux qui, au fond, ont fait le phénomène X-Files - raconter des histoires fantastico-monstrueuses, aux frontières de notre réalité. Un peu comme la précédente, la saison 11 est sauvée par ses épisodes intermédiaires, ces "standalones" fous et passionnants. Attention spoilers !
Darin Morgan, qui avait déjà signé le meilleur épisode en 2016 - le génial et hilarant "Mulder and Scully Meet the Were-Monster" (celui avec la mystérieuse créature des bois) - récidive cette année avec "The Lost Art of Forehead Sweat" (l'épisode 4), une exceptionnelle histoire loufoque, qui s'amuse à jouer avec la réalité des personnages, des fans, de la série. Mulder et Scully n'ont-ils pas toujours fait équipe avec l'Agent Reggie, le créateur des affaires non-classées ? A-t-il toujours été là, à mener l'enquête avec eux ? Le gouvernement manipule-t-il totalement la mémoire collective ? Le délire est jouissif, assumé, et jusqu'au boutiste, au point de fabriquer un générique alternatif de X-Files, incorporant le Reggie en question.
L'épisode 7, "Rm9sbG93ZXJz", presque sans aucun dialogue, fut un pamphlet burlesque fascinant sur la technologie moderne et ses abus. Ou comment Scully a failli se faire buter par son aspirateur robot devenu fou. L'épisode 6, "Kitten", emmené par un Haley Joel Osment (Siixème Sens) aussi inquiétant que méconnaissable, a livré une traque forestière digne de Rambo, offrant au passage à Skinner un flashback mérité sur sa jeunesse au Vietnam. L'épisode 2, "This", a faire revenir les Lone Gunmen dans une délirante histoire de réalité virtuelle et "Familiar" (l'épisode 8) a renoué avec la tradition des satanistes, de la chasse aux sorcières et des sombres croyances populaires.
À chaque fois, Mulder et Scully s'éclatent. Laissant de côté leur quête interminable de vérité, ils semblent comme libérés, presque redevenus les deux enquêteurs charismatiques qu'ils étaient il y a 20 ans. On retrouve l'alchimie, la complicité et une amusante espièglerie les animent désormais. Les deux personnages jouent avec leurs propres clichés. Mulder est plus obsédé qu'avant. Scully fait preuve d'un scepticisme entêté (surtout après tout ce qu'elle a vécu) et le couple Duchovny / Anderson se marre visiblement de la situation, jouant presque des scènes de sketchs, tantôt effrayantes, tantôt farfelues.
Oui, X-Files est devenue une espèce de comédie macabre, assez unique à la télévision. Un genre qui navigue habilement sur un fil, entre horreur 90's et comique de situation. Une bonne dose d'angoisse, un soupçon d'épouvante, pas mal d'humour noir et un gros sens de l'absurde, c'est ça la nouvelle recette X-Files. Un mix inattendu, mais qui réussit à nous faire oublier ses tentatives (pour le moins) maladroites de sérialisation.
Plus fort encore, "The Lost Art of Forehead Sweat" propose carrément aux fans la fin qu'ils aimeraient tous voir, inconsciemment. Un Alien débarque sur Terre et annonce à Mulder et Scully que les humains sont observés depuis des décennies. Mais qu'ils ne méritent rien, alors ils seront isolés de l'univers à jamais. Le genre de conclusion que Chris Carter aurait certainement dû écrire il y a des années... et qu'on ne verra probablement pas, malheureusement, la semaine prochaine.
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