Le film multi- Césarisé d’Alain Corneau est à l’honneur ce soir de « Place au cinéma » sur France 5, présenté par Dominique Besnehard
Une envie de longue date
Tous les matins du monde est un récit d’apprentissage. Celui vécu par Marin Marais, futur prestigieux violiste de Louis XIV, auprès de Monsieur Sainte Colombe, grand maître austère et intransigeant de la viole de gambe. Et s’il sort sur les écrans en 1991, l’envie de faire un film centré sur la musique – et plus précisément sur la musique baroque dont il était un grand connaisseur – remonte alors à de nombreuses années chez Alain Corneau. Et après s’y être plusieurs fois cassé le nez, il écrit à un autre passionné de la musique de l’époque du jansénisme, le romancier Pascal Quignard. L’auteur des Petits traités et de La Leçon de musique n’a alors jamais travaillé pour le cinéma. Et s’il décline la proposition d’écrire un scénario, il propose à Corneau d’imaginer un court roman sur ce sujet pour qu’il puisse le porter à l’écran. Corneau rêve alors d’une œuvre fastueuse qui se déroulerait à la Cour de Louis XIV quand il découvre Tous les matins du monde… œuvre située exactement à l’inverse puisque centré précisément sur un homme, Sainte Colombe, qui a refusé de jouer à Versailles où on le pressait de s’installer pour préférer vivre reclus à la campagne avec ses filles. Corneau accepte le grand écart et travaille à son adaptation avec Quignard. Et malgré son sujet clivant et ce jansénisme revendiqué, le film va être un triomphe. Prix Louis Delluc, 7 fois Césarisé (dont meilleurs film et réalisateur face au Van Gogh de Pialat), Tous les matins du monde réunira 2 152 966 spectateurs. Soit le deuxième plus gros succès d’Alain Corneau, à quelques encâblures des 2 157 767 entrées de Fort Saganne. Ce succès assoit aussi la réputation d’écrivain de Pascal Quignard qui remportera en 2002 le Prix Goncourt pour Les Ombres errantes. Et il retrouvera en 1995 pour l’adaptation de son roman L’Occupation américaine devenu Le Nouveau monde.
La viole de gambe superstar
Le triomphe de Tous les matins du monde eut de jolis effets collatéraux. A commencer par le carton en parallèle de sa bande originale composée par le violiste catalan Jordi Savall. Sans doute la chose dont Corneau a été le plus fier, lui qui disait avoir fait avec Tous les matins du monde le seul film militant de sa carrière en faveur de la musique et plus précisément donc de cette musique baroque qui commençait tout juste à être reconnue par les instances pédagogiques officielles, le département de musique ancienne du Conservatoire de Lyon, pionnier en la matière, venant d’être créé, en 1988. La viole de gambe fait son entrée dans les hit-parades en France (disque d’or avec plus de 70 000 exemplaires écoulés en quelques semaines, du jamais vu pour ce type de musique) comme à l’étranger. Où il déloge aux Etats- Unis Madonna des sommets des charts. Jordi Savall devient dans la foulée une vedette internationale et remporte le César de sa catégorie.
Depardieu père et fils- première
Tous les matins du monde marquait aussi une grande première. Jamais jusque là Gérard et Guillaume Depardieu (qui jouent Marin Marais aux différents âges de sa vie) n’avaient partagé l’affiche du même film sur grand écran. Et il faudra attendre 11 ans et Aime ton père de Jacob Berger pour qu’ils se donnent la réplique, cette fois- ci en tant que père et fils. Ce moment restera hélas unique.
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