Un pied dans le présent et un autre dans le passé. Juste avant la sortie de Mourir peut attendre, le réalisateur racontait à Première comment il a vécu les différents reports du film, et s’il s’imaginait tourner un autre James Bond.
Première : On s’était parlé il y a un an et demi pour la sortie initiale de Mourir peut attendre, mais j’ai l’impression d’avoir vécu trente vies depuis…
Cary Joji Fukunaga : Ne m’en parlez pas ! J’ai été bien occupé à pousser des scripts que j’avais dans les tiroirs, et je tourne depuis six mois Masters of the Air, une minisérie produite par Steven Spielberg et Tom Hanks [suite de l’anthologie entamée avec Band of Brothers et The Pacific]. Donc le monde de Bond me semble très loin… mais personne n’a encore vu le film ! J’ai l’impression d’avoir une double personnalité : une partie de moi est allée vers l’avant, l’autre est bloquée dans le passé et attend toujours de voir ce qui va arriver à la sortie.
Comment avez-vous réagi quand le film a été décalé la première fois ?
C’était une sage décision. Dès le début, j’ai observé de près ce qui se passait en Chine et à travers le monde : mon premier film, Sin Nombre, est sorti durant l’épidémie de H1N1, et les cinémas étaient fermés au Mexique. Donc je savais où tout ça pouvait nous mener, même si je n’avais jamais imaginé qu’autant de gens puissent perdre la vie. J’avais conscience qu’il se passait quelque chose d’important, alors il m’a semblé normal de reporter la sortie.
On vous a demandé votre avis ?
Non, ce sont les huiles qui décident ! (Rires.) Mais à chaque décalage, la question a toujours été de savoir si on pouvait permettre au film d’être vu par tout le monde sur toute la planète, ou presque. Ça me semble sain. Le sortir pays par pays en fonction de la situation sanitaire locale aurait été préjudiciable. On n’a loupé aucune fenêtre de tir. Avant octobre 2021, c’était juste impossible de le sortir correctement.
Vous avez eu envie d’apporter des modifications au montage ?
Oui, mais c’est le cas avec tous mes projets ! Si vous laissez à un scénariste ou à un réalisateur l’opportunité de changer des choses, il va forcément le faire. (Rires.) Sauf qu’on ne m’en a pas donné la possibilité. Le film était fini, c’était comme ça. Est-ce que je referais exactement le même film aujourd’hui ? Probablement que non.
Symboliquement, la sortie de Mourir peut attendre signe une forme de retour à la normale pour le cinéma ?
Il y a quelque chose de symbolique, mais je ne sais pas si ça veut dire quoi que ce soit. Disney ou Marvel ont sorti de très gros films, on n’est pas les premiers. Donc ça ne veut pas dire qu’on en a fini avec la pandémie, mais qu’au moins, on peut commencer à retrouver une forme de normalité. Sauf qu’on n’est pas du tout là où on en était avant…
Et ça vous angoisse ? Vous allez ausculter le box-office ?
Question compliquée. Disons-le comme ça : on est optimistes, mais on s’attend à tout. Pour être parfaitement honnête, je ne crois pas que je vais scruter les chiffres. J’aurai surtout les yeux rivés sur les critiques de la presse. C’est le vrai enjeu pour moi.
La promo dure depuis pas loin de deux ans, ce qui peut donner l’impression d’avoir déjà vu le film… Vous n’avez pas peur d’une usure du public ?
Non, et c’est grâce à l’équipe marketing qui, je ne sais trop comment, a réussi à entretenir la flamme durant tout ce temps, avec à chaque fois quelque chose de différent. Donc je suis tranquille de ce côté-là. Les gens pensent savoir ce qu’est le film, mais ils se trompent.
Prêt à signer pour un autre Bond ?
Je ne sais pas. Tout dépendra du timing et du potentiel du projet. Et puis c’est très rare que je fasse deux fois la même chose… On verra où j’en serai dans ma vie à ce moment-là.
Commentaires