Après Ayrton Senna et Amy Winehouse, le cinéaste britannique signe un nouveau documentaire passionnant sur un autre génie hors norme
On attendait forcément beaucoup de ce Diego Maradona, le nouveau documentaire d’Asif Kapadia, auteur des impressionnants portraits de deux autres grands brûlés de la vie, Ayrton Senna et Amy Winehouse. Et au risque de spoiler d’emblée cette critique, le résultat est plus que largement à la hauteur de ces attentes
Le principe reste le même : des images d’archives uniquement accompagnées par des témoignages en off du principal intéressé et des témoins de l’époque. Une idée simple mais diablement efficace puisqu’ainsi les images d’époque ne sont jamais parasitées par le surgissement régulier des visages forcément vieillis par le temps passé. On vit ainsi donc chacun de ses documentaires en totale immersion. Mais jamais dans un banal copier/ coller
Ainsi, son Maradona n’embrasse pas la vie toute entière de son sujet, à la différence donc de son travail sur les destins brisés bien trop tôt d’Ayrton Senna et Amy Winehouse. Une fois passé une très rapide phase d’introduction (les débuts de ce génie du ballon rond à la fin des années 70, son passage compliqué au FC Barcelone…), Kapadia se concentre sur une période bien particulière de son parcours. Ses années Naples, de 1984 à 1991, où il va emmener ce club quasiment vierge de tout titre national sur le toit de l’Italie (deux titres de champion) et même de l’Europe (une coupe de l’UEFA). Des résultats inespérés pour un club et plus largement une ville raillés et regardés de haut par le reste du pays et qui feront de Maradona un Dieu vivant… aux pieds d’argile. A la fois parce qu’il finira par étouffer de ne plus être libre de ses mouvements mais surtout parce qu’avec l’équipe nationale d’Argentine, il éliminera l’Italie dans ce stade de Naples lors de la Coupe du Monde 90. Un crime de lèse- majesté qui fait que tous ses soutiens le lâcheront et le pousseront dans une descente aux enfers pas encore vraiment terminée 30 ans plus tard à en croire les images de lui bouffi et quelque peu agité vues en tribunes lors de la dernière Coupe du Monde.
Ce documentaire se vit comme la plus passionnante des fictions… qu’aucun scénariste n’aurait jamais osé inventer. On y parle dans un foisonnement jamais fouillis de foot bien sûr mais aussi de la guerre larvée entre l’Italie d’en haut et l’Italie d’en bas, de mafia (dont les liaisons dangereuses avec Maradona étaient exposées au grand jour), de star- système, de bling bling… avec des personnages tous plus rocambolesques les uns que les autres (le Président du Club, les filles prêtes à se damner pour une nuit avec le Dieu Maradona, son épouse comme un roc toujours debout malgré les tromperies et les humiliations publiques…). Le tout avec des images inouïes impossibles à imaginer aujourd’hui où chaque star du ballon rond de ce niveau contrôle sa communication et ce qui peut être montré ou non sur Instagram et autres réseaux sociaux. Là, ce sont les caméras qui s’invitaient dans l’intimité de Maradona. Avec son accord certes mais sans le moindre droit de regard sur son contenu et ce qu’elles reflétaient de lui
Ces images racontent donc autant une époque que Maradona. Et elles expliquent que ce film ne s’adresse pas qu’au seul cercle des amateurs du ballon rond. Une fois encore, Kapadia ne se fait ni juge, ni procureur, ni avocat de celui qu’il filme. Il va au- delà des clichés simplificateurs et réconcilie Diego et Maradona, le petit gamin aux rêves plein la tête des bidonvilles de Buenos Aires et la star hors norme et suicidaire. Un tour de force.
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