C’est avec Following, un premier long en noir et blanc, au micro-budget, que Christopher Nolan s’est fait remarquer en 1999. Il était notamment sélectionné au Festival de Dinard.
La première fois qu’on a entendu parler de Christopher Nolan, c’était au Festival du Film Britannique de Dinard en 1999. Un ovni en noir et blanc, qui dépassait à peine les 60 minutes réglementaires pour être qualifié de long métrage, concentrait toutes les attentions. Following, le suiveur était le titre de ce néo-polar aux influences multiples mais avec ce je-ne-sais-quoi de très original. L’histoire est celle d’un apprenti écrivain qui décide de suivre des gens dans la rue afin d’y puiser une source d’inspiration pour ses romans. Il s’est fixé une règle : ne jamais suivre la même personne. Un jour, il est intrigué par un homme au comportement atypique et ne peut s’empêcher de le traquer. Il s’agit de Cobb, un cambrioleur pour le moins spécial. Le piège va se refermer sur lui. Film noir dans la plus grande tradition du genre, Following est aussi une vision très contemporaine de l’anonymat des grandes villes. Il y a aussi dans ce film un élément qui deviendra la marque de fabrique du cinéaste : le jeu sur la chronologie. C’est en effet, en même temps, que l’on suit le début, le milieu et la fin de ce thriller psychologique. Beaucoup d’éléments de Following se retrouveront dans Inception. Bref, on ne peut être qu’impressionné par ses débuts. Surtout quand on entre dans les coulisses de leur création.
Petit film entre amis
L’autre rumeur qui court dans les rues de Dinard, c’est que ce jeune réalisateur a fait le film pour trois fois rien – à peine 6000 $. A l’époque, les films indépendants aux micro-budgets ne sont pas rares. La presse a déjà porté aux nues Roberto Rodriguez et son El Mariachi tourné en devenant cobaye pour des laboratoires pharmaceutiques ou Kevin Smith et son Clerks financé grâce à la vente de la collection de comic-books du réalisateur. Following vient donc se classer dans la catégorie des petits chefs d’œuvres fauchés. En 1996, Christopher Nolan a néanmoins une méthode moins radicale que ses compatriotes mexicains et américains. Il travaille la semaine – dans une boite qui réalise des vidéos d’entreprise- pour gagner de quoi acheter la pellicule et tourne le week-end. C’est d’ailleurs pour masquer son budget XXS qu’il a opté pour le noir et blanc afin de donner un côté esthétisant à son film pour pas cher. A ce rythme, il lui a fallu un an pour finir son film. Les scènes sont ultra répétées afin de ne faire qu’une prise – deux grands maximum-, les acteurs sont des copains qui viennent avec leurs propres vêtements et les décors sont des appartements des membres de la famille. Sa mère régale en sandwiches toute l’équipe. Emma Thomas, sa future femme, rencontrée sur les bancs de la fac, assure la production du film et paye le loyer en travaillant chez Working Title comme assistante de production.
Une copie, des espoirs
Le couple se met alors en quête d’un distributeur. Une seule solution pour cela : montrer le film en festival. Sundance, Mecque des cinéastes indépendants, rejette le film. Patatras, voilà leurs plans qui s’effondrent ! De démarchage en démarchage, ils finissent par décrocher un ticket pour San Francisco en avril 1998. Problème : il faut tirer une copie dont le coût prohibitif est de 6000 $ ! Car si le film a été tourné en 16mm, le montage a été fait sur bandes. Tout le monde se cotise. La copie est tirée à Londres et c’est finalement l’acteur principal, Jeremy Theobald, qui l’emporte dans sa valise, la veille de la projection. C’est en présence du public que Christopher Nolan assiste à la première projection de son film, sans avoir eu le temps de vérifier la copie ! L’accueil n’est pas dithyrambique. Variety regrette le manque de profondeur des personnages et aurait aimé quelque chose de plus « punchy ». Mais les premiers contacts avec les professionnels se nouent. Et les festivals s’enchaînent : Rotterdam, où il décroche le Tigre d'or, Toronto, Slamdance…
En attendant, Christopher Nolan a adapté une idée de son frère, Jonathan, dont celui-ci tirera la nouvelle, Memento Mori. En juillet 1997, Aaron Ryder de Newmarket Films a flashé sur le scénario. Quand Following est sélectionné au Festival de Dinard en octobre 1999, Christopher Nolan vient tout juste de terminer le tournage de Memento. Loin des côtes françaises, il démarre le montage de ce film au budget de… 4M$. C’est son frère, Jonathan, qui répond aux questions des journalistes et reçoit le Hitchcock d’argent que le jury présidé par Jane Birkin vient de décerner au film. Following sort dans la foulée. La destinée de Christopher Nolan est scellée.
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