- Fluctuat
Si Juliette Binoche est une excellente actrice, nominée pour recevoir un Oscar cette année, on peut légitimement se demander ce qui poussa les têtes pensantes et dirigeantes du cinéma américain à s'arrêter sur un tel film. A croire qu'ils n'ont regardé que la fiche technique par ailleurs prometteuse. Binoche côtoyant Deep sous l'égide du réalisateur de Gilbert Grape, voilà une réunion qui avait toutes les chances de produire un long métrage sympathique. Alors que s'est-il passé ?
Cette question, si crue soit-elle, résonne dans toutes les têtes à la vision du film. Pourquoi assistons-nous impuissants à ce qui ressemblerait à un téléfilm publicitaire pour une marque de grand chocolat ? Pire, pourquoi a-t-on voulu rendre ce film pérenne en cherchant à lui attribuer une statuette ? Bien sûr les défenseurs du Chocolat avanceront l'argument imparable de son aspect conte et légende, censé couper court à toutes les critiques.De la lourdeur de la construction narrative à la grossièreté de plans éculés, de la direction d'acteur pataude aux dialogues grotesques, chaque élément collabore à faire de ce récit un parangon du ridicule cinématographique.
Faiseuse de chocolat, Vianne Rocher s'installe dans un village suisse au conservatisme exacerbé. Fille d'une mystérieuse aztèque voyageant par le monde pour délivrer l'humanité de ses maux grâce au chocolat, elle est présentée comme la figure de la liberté et de la révolte face aux villageois conservateurs. Son mode de vie, son savoir mystique des bienfaits de la fève de cacao employée sous diverses formes soignent chaque habitant de tous ses maux : le chocolat répare la misère sexuelle d'un couple, aide à la formation d'un autre, fait se retrouver grand-mère et petit-fils, affranchit une femme battue de ses obligations maritales... Les problèmes quels qu'ils soient finissent toujours par trouver une résolution sucrée et par se dissoudre comme par magie.Dans une esthétique publicitaire -paradoxalement généralement employée par les grandes marques de café- Lasse Hallström nous livre sans aucun complexe ses images en deux dimensions. Et toutes les scènes présentées sont immédiatement justifiées sans que le recours à de lourds flash-back ne nous soit épargné.S'il nous fallait maintenant répondre à notre question clé, on pourrait effectivement défendre la prestation de Binoche. Celle-ci est des plus efficace et insert un peu de vie à toute cette rigidité cinématographique, à tel point que si elle n'avait pas été là on aurait déjà quitté la salle sans remords. Sa présence sublime parfois quelques éléments du film, sans en faire pour autant un film d'actrice. Si trop souvent, le film verse dans un développement manichéen, digne de la grande philosophie de comptoir, l'actrice se permet tout de même d'exceller dans son art et de nous livrer une émotion fragile, quand bien même le film ne justifiait pas tant d'efforts. Ceci ne fait pas du Chocolat un film d'acteur, il n'aurait pu l'être car l'ensemble du scénario, trop complexe, ne laisse pas suffisamment de place à l'émotion pure. Sans même évoquer le grossier Johnny Deep, on regrette amèrement que ce film emploie des artistes brillants à de telles fadaises. Espérons qu'il ne s'agit là que d'un énième accident dans leurs carrières respectives aux accents par ailleurs admirables.Le Chocolat
De Lasse Hallström
Avec Juliette Binoche, Johnny Deep, Victoire Thivise
Royaume Uni/Etats Unis, 2001, 121 min.
Le Chocolat