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Partant du postulat que vous et moi pouvons travailler demain pour les services secrets (en tant que « source », c’est-à-dire comme anonyme infiltré dans un milieu ou une organisation lambda), Nicolas Saada brosse le portrait d’un jeune homme d’aujourd’hui, un peu glandeur, un brin cynique, un poil aventurier et confronté à des enjeux qui le dépassent. À ce titre, le choix de Guillaume Canet pour l’incarner s’impose comme une évidence : avec son allure d’« adulescent » semi-dépressif, il personnifie au mieux le désenchantement d’une génération. L’identification est automatique. La dichotomie entre cet esprit libre mais manipulable et les impératifs de la tâche (stricte observation des règles, respect de la hiérarchie) imprime au récit un rythme soutenu et une confortable lisibilité. Dès lors que s’immisce « la » femme (Géraldine Pailhas, sensuelle et fragile), tout bascule : on passe du film d’espionnage classique à l’histoire d’amour, contrariée à la fois par l’état marital de la belle et par sa participation forcée à la mission. Même si les pistes narratives se multiplient au passage de façon un peu artificielle et conventionnelle, Espion(s) se révèle une incursion hexagonale intéressante dans le film de genre, entre efficacité narrative à l’américaine et sensibilité européenne. Jusque-là, seul Assayas, avec Demonlover et Boarding Gate, s’y était essayé avec succès.
Toutes les critiques de Espion(s)
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
- Ellepar Florence Ben Sadoun
Un premier film remarquable dans lequel on entre comme par effraction par la force des premiers plans et la vitesse avec laquelle s'enchaînent les événements.Une manipulation des genres risquée, filmée avec brio.
- Fluctuat
Avec Espion(s), Nicolas Saada film un thriller romantique inégal mais séduisant qui donne envie de suivre son auteur en dépit de ses faiblesses.Après un premier court remarqué, Les Parallèles, Nicolas Saada, critique, scénariste, homme à tout faire, passe au long avec Espion(s). A la lecture du pitch - un bagagiste chapardeur à Roissy forcé de collaborer avec la DST et le MI5 pour déjouer un complot terroriste - on pense à l'horrible Secret défense, distribué le mois dernier. Mais la ressemblance est fortuite et si lien il y a, Espion(s) s'apparente plutôt à une version low tech débarrassée de tout le gras idéologique et de l'hystérie visuelle qui faisait l'apanage du Philippe Haïm. Dès l'amorce, le film de Saada se déploie tranquillement, installant ses ambitions esthétiques avec modestie. En quelques minutes, l'intrigue est lancée et le personnage ciselé avec une précision épurée. La mise en scène se dirige avec retenue vers un réalisme stylisé, sans rien forcer ni souligner. Une certaine élégance se dégage alors, comme une envie de ne pas tirer trop vite sur le récit, de capter tout ce qu'un scénario un peu faiblard aurait laissé au bon soin des images. Et on a envie de suivre Saada, aux basques d'un Guillaume Canet toujours trop fade mais plutôt dans le ton en dépit d'un personnage souvent dans l'intention. Car si le scénario et ses dialogues reviennent maladroitement à la charge pour faire évoluer l'intrigue, le film arrive à se frayer son chemin à lui, reprenant les archétypes du thriller pour les dissoudre avec l'assurance du petit maître dans des moments faibles.Espion(s) n'a pas le souffle ni l'ampleur des films auxquels il peut volontairement ou pas faire référence. Il souffre d'un manque de moyens (l'explosion numérique cheap à la fin), que Saada tente de contourner en se concentrant sur d'autres enjeux que le spectaculaire ou l'exploitation paranoïaque du terrorisme international. Pas loin du thriller de poche, Espion(s) s'intéresse moins aux ressorts classiques du suspens qu'à ses bords. Le scénario manque ainsi de contraintes. Il échoue à rendre palpable la prétendue menace pesant sur le réel et les personnages, on a du mal à s'impliquer ou croire aux situations. Jusque dans les scènes de filature, la tension est basse, le pouls trop lent. Manque de rythme ? Peut-être, si on attend d'Espion(s) un équivalent de Jason Bourne. Mais Saada est ailleurs : non que ces aspects classiques soient négligés, il préfère laisser couler son récit pour y explorer ses creux, ses absences. Le film alternant ainsi entre la densité et la dilatation pour mieux se focaliser autour du couple Canet/géraldine pailhas (épouse d'un businessman véreux qu'il doit espionner), afin de surfer sur leur intrigue amoureuse, de sculpter leurs failles personnelles, jouer sur le mensonge. On sent l'envie de déborder vers un glamour hitchcockien distendu, de tout faire tenir sur la présence des comédiens sans insister sur l'aspect psychologique. Le résultat est bancal, un peu tiède, parfois prudent, mais on a envie d'y croire.Espion(s)De Nicolas SaadaAvec : Guillaume Canet, Géraldine Pailhas, Stephen ReaSortie en salles le 28 janvier 2009[mediabox id_media="48282" align="null" width="500" height="333"][/mediabox] Illus. © Mars Distribution - Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire le fil film policier sur le blog cinéma- A lire : France / Hollywood, histoire d'un malentendu- Flop Cinéma : les pires films français voulant faire américains
Le JDDpar Jean-Pierre LacommePour son premier film, Nicolas Saada signe, avec élégance, une histoire de manipulation où sentiments et raison d'Etat ne font pas vraiment bon ménage. Si les scènes d'action ne manquent pas, le réalisateur privilégie le couple Guillaume Canet-Géraldine Pailhas.