Première
par Thomas Baurez
Regarder la mort en face, vaste programme auquel s’attèle ici Emmanuelle Bercot (La Tête haute, La Fille de Brest…) La regarder d’accord mais pour quoi faire ? Fixer un être tel un peintre, observer sa lente dégradation et saisir l’inquiétude d’un effacement. Benjamin (Benoît Magimel) est atteint d’un cancer en phase terminale. Le médecin ne tourne pas autour du pot. La mort est là, rôde et va frapper vite. Inéluctablement. Benjamin est aussi professeur d’art dramatique et permet donc à des jeunes gens d’atteindre une forme vérité. Un travail que le condamné effectue en retour, œuvrant inconsciemment à la propre représentation de sa sortie. Emmanuelle Bercot ne se dérobe pas, sa mise en scène fiévreuse abolit les distances, reconfigure l’espace pour préparer l’embaumement. Le malade écouté de ses élèves, écoute son docteur. Et quand le corps ne permet plus de bouger, il faut enfin s’écouter soi-même pour solder d’éventuels comptes. Autour, il y a aussi la mère, Crystal (Deneuve), là, lasse et impuissante ; le fils non reconnu qui hésite – là, pas là ? ; ou encore l’infirmière (de France) séduite in fine. A cela se greffe une touche très documentée. La barque devient lourde, trop, menace d’un naufrage. Les éclairs du mélo ne peuvent pas tout. Mais au centre, il y a Magimel et son visage impénétrable à la surface duquel la vie a pourtant pris ses quartiers. La lumière recompose à l’envi cette belle figure. De son vivant est un film étrange dont certains aspects paroxystiques évoquent même de Palma. Ce n’est pas rien.