Toutes les critiques de Center Stage

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Il est des personnes qui sont faites pour éblouir et créer des émotions. Nous sommes en 1926. Une jeune adolescente de 16 ans rêve d'espérance, de fraternité et surtout de reconnaissance. Le cinéma est peut-être le seul moyen de mener à bien ces projets. Elle deviendra Ruan Lingyu, surnommée la "Garbo chinoise"… La star n°1 du cinéma chinois.
    Tout de suite nous pensons à deux personnes : Griffith et Lilian Gish. L'auteur du Lys brisé aimait Lilian Gish… il l'a donc mise en scène. Ici, le metteur en scène (Tony Leung Kar Fai) découvre l'amour auprès de Lingyu qui reprend vie grâce au talent fécond et vital de ce jeune artiste. Lingyu a trouvé un de ses meilleurs rôles dans le seul film qu'elle ait tourné avec Cai Chusheng, Femmes nouvelles (1934) et l'on a pu observer une sorte d'osmose parfaite entre ces deux artistes… C'est dans ce même esprit que Stanley Kwan (auteur prolifique de Hong Kong) met en oeuvre cet attendrissant et néanmoins maladroit hommage.Center Stage ressemble à un poème datant du début du siècle qui cacherait un souvenir délicat. Kwan crée un cadre dont le grain, très poussiéreux, défini une nécessité : représenter un mode de vie oublié mais qui date encore. Un monde ou l'idolâtrie était synonyme de fanatisme et d'incompréhension. Mais comme il faut choisir entre la fascination et la vie (donc le cinéma), il vaut mieux se pencher du côté de l'objet filmique. Le problème est là. Kwan est beaucoup trop influencé par l'atmosphère fantomatique et voluptueuse de ces anciennes productions chinoises des années 20. Ce manque de résolution nuit sévèrement au film. C'est ainsi qu'on sombre - avec regret - dans un mélodrame affreusement honteux. Un exemple de ce que fit Kwan lorsqu'il sut maîtriser son sujet : Lingyu veut interpréter le rôle d'une ouvrière, personnage qu'elle n'a jamais joué auparavant. Le metteur en scène, soucieux de réaliser un film vrai, lui conseille d'y renoncer, prétextant une mauvaise distribution des rôles. A ce moment-là Kwan cadre Maggie Cheung. Celle-ci enlève majestueusement son long manteau, regarde sans dire un seul mot ce pauvre réalisateur. Le spectacle est saisissant d'humilité : Lingyu est vêtu comme une ouvrière. Les invraisemblances se sont effacées pour laisser place à la dignité. Splendide ! Mais rare !Center Stage reste une oeuvre au filmage délicat mais au dénouement incertain. Une poésie inachevée dont la réussite réside dans l'interprétation extraordinaire (le mot est faible) de Maggie Cheung, dont on peut difficilement résister au charme sensible et discret.Center Stage
    de Stanley Kwan
    Avec Maggie Cheung - Tony Leung Kar Fai - Carina Lau - Waise Lee
    Hong Kong - durée : 2h01