Le L. A Times tire la sonnette d'alarme : avis aux personnalités influentes d'Hollywood, le fonctionnement des Oscars va mal ! Le site a consacré un long article à la promotion intensive de 12 Years a Slave juste avant les Oscars et dévoilé, sans citer leurs noms, que deux membres de l'Académie des Oscars avaient voté pour le film de Steve McQueen sans l'avoir vu. Les Oscars ont-ils perdu toute légitimité ? Le journal pointe du doigt des techniques de promotion trop intensives qui entourent les "films à Oscars" et qui entraineraient parfois ce type de pratique.

For your considerationLa méthode est connue : durant la saison des cérémonies (en gros de septembre à février), les distributeurs s'offrent des pages de publicité dans des magazines et postent des vidéos "for your consideration", pendant que les acteurs et réalisateurs des films nommés multiplient les interviews et apparitions télé. Le but est évidemment de faire parler au maximum des longs-métrages en compétition, afin que les votants des diverses cérémonies de l'hiver votent en masse pour leurs projets. Problème, les distributeurs qui ont les moyens de se payer des campagnes phénoménales écrasent les productions plus indépendantes.

C'est le cas de 12 Years, qui a été au coeur de l'actualité durant des mois. Depuis sa première projection en septembre dernier dans la cadre du festival de Telluride, le long-métrage sur l'esclavage de Steve McQueen a été montré dans d'autres festivals importants, tels que celui de Palm Springs ou de Toronto, gagnant la faveur de la quasi-totalité des critiques (au final, le film a reçu 96% d'avis positifs sur Rotten Tomatoes). Il a par la suite reçu des prix dans toutes les cérémonies américaines prestigieuses : les différentes Guild, les Golden Globes et enfin les Oscars, où il a notamment reçu la statuette principale, celle du meilleur film. Impossible de passer à côté, Fox Searchlight multipliant les featurettes de ce type :

 

Et les publicités au sein des magazines de cinéma les plus prestigieux (Variety, The Hollywood Reporter...) :

 

 

Des votes illégitimesOui, la promotion de 12 Years a Slave était imposante ces derniers mois, mais ce n'est pas tellement ce point qui préoccupe le LA Times. Ce n'est pas non plus ses qualités cinématographiques : le Steve McQueen est considéré comme un film imposant et important par de nombreux cinéphiles. Ce que le journaliste pointe du doigt, c'est l'angle d'attaque choisi par l'équipe marketing. Le thème de l'esclavage renvoie à une période honteuse de l'histoire américaine. Un sujet fort, qu'il est important de traiter sur grand écran, mais la source se demande si Fox Searchlight n'a pas trop insisté sur cet aspect : "La promotion du film avant les Oscars a été orchestrée autour de l'accroche "It's Time" (il est temps), qui est clairement une manière d'exhorter les membres de l'Académie à voter pour le film car c'est la bonne chose à faire en tant que citoyen". C'est en illustrant cette réflexion que le journal cite l'exemple de deux votants qui "n'ont pas regardé le long-métrage de peur qu'il soit trop dérangeant mais qui se sont sentis obligés de voter pour lui car cela semblait important, socialement parlant" (notons que ce ne sont pas les propos directs des votants, mais ceux du rédacteur).

Cette révélation fait scandale aux Etats-Unis depuis la parution de l'article : plébisciter un long-métrage sans avoir pris soin de le regarder ferait perdre toute crédibilité au système des Oscars. Même si 12 Years a Slave est effectivement un film socialement et historiquement important, cet aveu a choqué. Quelle valeur ont ces prix s'ils sont remis à un film que certains votants n'ont même pas vus ? On se souvient de la blague d'Ellen DeGeneres en introduction de la cérémonie : "Il y a deux possibilités ce soir : soit vous avez voté pour 12 Years a Slave, soit vous êtes racistes !". Elle prend désormais un tout autre sens...

Voir aussi :

Brad Pitt : après 12 Years a Slave, il produit le prochain Terrence Malick, World War Z 2, la série Resurrection...