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L’art de taire chez Farhadi... Depuis À propos d’Elly et Une séparation, ses deux précédents longs métrages, on sait que le plus international des cinéastes iraniens n’a pas son pareil pour bâtir des drames intimes à la fois kafkaïens et à suspense semés de bombes à fragmentation multiple. Avec Le Passé, son premier film tourné en France, il va encore plus loin, les secrets implosant les uns dans les autres façon poupées russes jusqu’au plan-séquence final, véritable arme de destruction massive qui va vous mettre à genoux.Dans le cinéma de Farhadi, tout est pensé et soupesé, même le pansement mis sur le doigt de Fouad par Ahmad au tout début du film, puis retiré à la fin par Samir, manière délicate de signifier le passage de relais entre les deux hommes. La redoutable mécanique scénaristique, y compris le choix très intelligent des ellipses, se double d’une mise en scène implacable. Plus le passé remonte, plus les personnages reviennent physiquement sur leurs pas. Farhadi invente une chorégraphie du regret qui questionne à tout moment le spectateur : Quand est-il « trop tard » ? À partir de quand ne peut-on plus faire machine arrière ? Tous les acteurs (Ali Mosaffa et la douceur rassérénante de sa voix agissent comme un anxiolytique), enfants inclus, conjuguent à la perfection ce Passé pas simple qui va petit à petit se décomposer, avant de se recomposer, peut-être, sous nos yeux.Stéphanie LamomeBande annonce du Passé, avec Bérénice Bejo et Tahar Rahim, aujourd'hui dans les salles :