L’actrice découverte dans Gone Girl et vue dans les séries The Leftovers ou Fargo impose dans The Nest de Sean Durkin son aura féministe et sa puissance de jeu.
Ce portrait a été publié à l'origine dans le numéro de Première de novembre 2020 (avec David Fincher en couverture)
Carrie Coon. rit beaucoup. Et parle vite, sur un ton joyeux, presque insolent. Malgré la mauvaise connexion ("Attendez, je bouge un peu, c’est mieux là ?") son débit est torrentueux, et elle appuie fréquemment sur l’accélérateur. On n’a d’ailleurs pas besoin de la pousser beaucoup. Il suffit d’évoquer David Fincher. "J’adore David ! C’est lui qui m’a donné mon premier vrai rôle au cinéma avec Gone Girl. Il m’a tout appris. Il a vu qu’il avait affaire à quelqu’un qui n’avait aucune expérience du cinéma et il m’a prise sous son aile. (Rires.) David est un perfectionniste. À la fin de la journée, soit tu lui as donné ce qu’il voulait de toi, soit tu n’es pas couché ! Il peut être autoritaire, exigeant, mais il adore les acteurs. Et il a un grand sens de l’humour. Un peu sarcastique – mais on partage ça, alors... (Rires.)"
The Nest : Carrie Coon au sommet de son art [critique]Femme libérée
Si on a mentionné Fincher, ce n’est pas uniquement pour briser la glace ou faire l’auto-promo de ce magazine ("C’est génial qu’il soit en couverture de Première, c’est le plus grand !"). C’est parce que les parallèles entre The Nest de Sean Dorkin et Gone Girl sont saisissants et que la filmo féministe de Carrie Coon, femme forte de The Leftovers, de la saison 3 de Fargo ou des Veuves, prend sa source dans le thriller hitchcockien du "Finch" où elle interprétait Margo, la sœur jumelle de Nick Dunne (Ben Affleck), accusé du meurtre de sa femme. Résolue, combative, prête à tout pour défendre les intérêts de sa famille contre les journalistes vautours, Margo était le premier personnage d’une (petite) liste qui montre l’attachement de l’actrice pour les "femmes qui cherchent une explication logique aux dérives du monde". Comme Nora (The Leftovers) ou Allison (The Nest), Margo est "ancrée dans le réel. Elle est franche et fière comme certains personnages que j’ai pu jouer par la suite". C’est sans doute lié à l’histoire de la comédienne. Carry Coon vient du Midwest, du Wisconsin exactement, et tous ses rôles semblent avoir un peu de cet ADN régional. Des bases solides, un rapport terrien au monde. "Je ne sais pas si je choisis les scripts ou si les scripts me choisissent. Mais je sais ce que j’impose : j’ai une voix grave, et je fais plus vieille que mon âge. Ce genre de détails joue beaucoup. Et c’est vrai que les femmes que j’interprète correspondent aux valeurs qu’on m’a transmises et aux femmes qui m’ont influencée."
Dans The Nest, Allison boit au goulot, fume comme un pompier, et n’hésite pas à s’opposer à son mari. "Les femmes de ma famille étaient comme ça, continue-t-elle. Ma mère était une institutrice qui portait des pantalons et n’hésitait pas à s’engager." Carrie Coon actrice féministe? "Je ne vais pas jouer les suffragettes, mais la plupart des rôles féminins n’existent que pour soutenir l’arc narratif du héros masculin. Alors quand on me pro- pose des personnages de femmes fortes et autonomes, je saute sur l’occasion." À travers ses rôles, Coon envoie des signaux explicites aux spectateurs : que signifie être une héroïne dans un monde qui change? Comment donner corps à une vision féminine de l’univers ? Quand on lui dit que dans The Nest, son style rauque de tragédienne russe, son autorité naturelle et le parfum de planches et de coulisses qu’elle exhale dans certaines scènes rappelle une autre diva également née dans le Wisconsin, Gena Rowlands, Coon s’emballe encore. "C’est mon idole absolue. Quand je parle à mon agent, je lui dis à chaque fois : 'Trouve- moi mon Une femme sous influence.' C’est mon Graal. Les rôles que Cassavetes lui a offerts sont d’une complexité étourdissante. Il y a une diversité de tons, d’attitudes qui montrent son incroyable palette de jeu. Gena, c’est mon étalon-or." On a vraiment pensé à elle dans deux scènes de The Nest : un dîner où elle met son mari mytho face à ses mensonges et, plus tard, ce moment hypnotique où elle décharge tristesse, déceptions et malheur en boîte de nuit. Là, en un plan, on comprenait qui était Allison : un torrent d’amour pas forcément commode ; une femme bouleversante, libre et intelligente. Tout Carrie en somme.
The Nest, de Sean Durkin, est disponible sur MyCanal
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