Pour le réalisateur, les conflits entre les classes sociales sont certes tristes, mais peuvent aussi avoir un côté absurde et amusant. (Spoilers)
Attention, spoilers : si vous n’avez pas vu Parasite, mieux vaut arrêter votre lecture ici.
Le parasite du dictionnaire est un être qui vit aux dépens d’un autre, sans le détruire. Le Parasite de Bong Joon-ho prend la forme de familles pauvres profitant d’une autre, plus riche. Les Kim vivent en effet dans les bas-fonds de la ville et ont besoin d’argent pour survivre. Grâce aux conseils d’un ami, le frère aîné pourra mettre le pied dans une maison de la ville haute, chez les Park. Peu à peu, tous les Kim se trouveront une place, quitte à déloger les anciens employés… jusqu’à la découverte étonnante d’un bunker secret dans le sous-sol de la bâtisse, dans lequel un couple vit caché. Les deux groupes ne pouvant coexister tout en profitant des Park, ils finiront par s’entretuer violemment.
Festival Lumière 2019 : Bong Joon-ho s'est exprimé sur son cinéma"Je pense que c’est ce qui différencie vraiment ce film d’une œuvre traitant des inégalités sociales," explique à ce propos Bong Joon-ho auprès d’Entertainment Weekly. "Vous voyez rarement des pauvres se battre les uns contre les autres. C’est triste, mais c’est aussi absurde et amusant. Les personnages, la famille Kim, vivent dans un demi-sous-sol. C’est une structure résidentielle qui existe réellement en Corée. Ça signifie que l’habitation est à moitié sous terre. Les habitants ont toujours accès à l’air libre, mais ils risquent à tous moments de s’enfoncer encore plus. Et ils finissent par découvrir un couple qui vit sous terre pour de bon, sans fenêtre vers l’extérieur. C’est une histoire triste sur deux familles qui finissent par devenir ennemies."
Pour le cinéaste, tout est question de contexte. Si le film ne suit pas l’histoire du couple vivant sous terre, leurs conditions de vie sont néanmoins exposées et leur train de vie suggéré : "La gouvernante se rend souvent dans le bunker secret pour passer du temps en toute intimité avec son mari. Ils ont dû beaucoup parler de ce célèbre architecte qui a fabriqué cet abri souterrain juste au cas où la Corée du Nord attaquerait le Sud. Ils ont certainement fait plein de blagues comme : "wow, merci à la Corée du Nord pour nous avoir offert ce foyer." Je pense que faire des plaisanteries sur leur condition, c’était leur quotidien."
Bong Joon-ho refuse les offres en provenance d’HollywoodUn quotidien difficile mais qu’ils chercheront à protéger malgré tout face aux Kim, qui ripostent aussitôt : la gouvernante meurt, mais son mari sort et lance un assaut contre ses ennemis, en plein anniversaire du petit Park Da-song. Au milieu des enfants et parents déguisés en cow-boys et indiens, c’est une vraie boucherie qui a lieu. "Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est une métaphore de ce qui est arrivé aux États-Unis," reprend Bong Joon-ho, "mais c’est très lié, dans le sens où les deux familles s’infiltrent dans la maison et en découvrent une troisième qui y vivait déjà. Vous pourriez dire que c’est une blague vis-à-vis du contexte. Mais en même temps, les Américains ont une Histoire très complexe, très longue et profonde. Ici, le rapport entre les deux histoires se réduit aux jeux d’un petit garçon et de la décoration. La mère évoque la tente de qualité et importée des États-Unis, et certains invités arborent un tee-shirt Che Guevara. Ils ne connaissent pas cette figure révolutionnaire, ils trouvent juste que le motif est cool. C’est ce qui se passe de nos jours : le contexte et la signification de ces symboles n’existent plus que de manière surfaite."
Acclamé à Cannes en 2019, Parasite de Bong Joon-ho a remporté la Palme d’or cette année et a réalisé plus d’1,5 millions d’entrées en France.
Cannes 2019 : rencontre avec Bong Joon-ho, réalisateur de Parasite
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