Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
MISSION IMPOSSIBLE DEAD RECKONING- PARTIE 1 ★★★★☆
De Christopher McQuarrie
L’essentiel
Virtuose, ludique, théorique et romantique : le septième épisode des aventures d'Ethan Hunt approfondit avec brio les motifs de la franchise.
On peut prendre différents critères en compte pour juger de la réussite d’un nouveau Mission : Impossible. Les cascades et les chorégraphies casse-cou de Tom Cruise, par exemple – elles sont extraordinaires dans ce nouvel épisode. La façon dont le film interroge la "mythologie" du personnage d’Ethan Hunt – passionnante ici. Ou encore le jeu avec les codes de la saga et du cinéma d'espionnage en général – absolument formidable dans ce Mission: Impossible- Dead Reckoning, partie 1. Mais l'élément sur lequel on oublie toujours de se pencher, c’est le MacGuffin, la raison pour laquelle les personnes transpirent à grosses gouttes et parcourent le monde en tous sens. Pour cette septième Mission, McQuarrie a imaginé que l’objet des poursuites de Hunt serait une intelligence artificielle surpuissante menace d’engloutir notre monde dans un terrifiant brouillard numérique, où seraient définitivement aboli les contours du réel. Voir Tom Cruise, incarnation absolue de la star de cinéma à l'ancienne et son acolyte Christopher McQuarrie, chantre d’une sophistication scénaristique old-school, combattre le nouvel ennemi juré des scénaristes et des cinéphiles – les algorithmes sans âme – procure un plaisir méta assez grisant. Et ce jusqu’à une dernière ligne droite époustouflante s’achevant sur une prise de rendez-vous pour la part 2 qu’on déjà hâte de découvrir.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A ADORE
LIMBO ★★★★★
De Soi Cheang
Un film comme une terreur existentielle, des personnages comme des âmes en peine rongées par la culpabilité et la douleur. On trouve des mains coupées dans les bennes à ordure, il faut enquêter sur le tueur qui s’en débarrasse. Alors on enquête. Il pleut comme dans Se7en ou dans un thriller coréen mais bizarrement, ça ne ressemble à rien de connu. On est ailleurs, paumés, désorientés, hallucinés. Tiens, un personnage secondaire de petite junkie à cheveux courts… Pour une raison inconnue, le flic qu’on nous a jusqu’ici présenté comme le héros, se jette sur elle et se met à la tabasser, la bousculer, la poursuivre sans relâche, comme un forcené. Et le film bascule, ne nous laissant dès lors plus un instant de répit. Car, sans qu’on s’y soit préparé, la jeune fille devient le réceptacle de la violence dont ce cinéaste torturé est capable. On pourrait y voir une forme de complaisance, il s’agit plutôt d’une tentative d’exorcisme, une manière pour Soi Cheang de transcender son propre système, son propre nihilisme. Grand prix et prix de la Critique au festival Reims Polar, Limbo agrippe son spectateur et le poursuit, jusqu’à l’ensevelir sous la puissance de sa vision.
Guillaume Bonnet
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
LES HERBES SECHES ★★★★☆
De Nuri Bilge Ceylan
Semet, un jeune prof de dessin rejoint son école perdue au fond de l’Anatolie. Il n’a qu’une envie : obtenir sa mutation pour quitter cette région reculée. Dans le village, il cohabite avec son collègue Kenan, un vrai gentil, à la recherche d’une amoureuse. Et puis, un peu plus tard, surgira Nuray (fantastique Merve Dizdar, primée à Cannes), jeune femme à la beauté sévère, dont on découvre le secret au fur et à mesure. Entre ennui et frustration, sous la neige anatolienne, Ceylan met en branle sa machine à désosser les faux-semblants et les désillusions. Et tire le portrait déflagrateur de ce trio. Ou plutôt de Samet. Au cœur du dispositif, on voit dépérir ce jeune homme qui ne cesse de répéter : « Qu’est-ce que je fais là ? ». Sous-entendu : qu’est-ce qu’un professeur d’art peut enseigner, transmettre, à des fils de paysans ? Dans cet endroit où il n’y a pas de saison, Samet n’a pas d’avenir. Et la manière - dans des compositions dignes des plus grands peintres classiques - dont Ceylan capte sa nervosité, sa honte, ses ruminations et son orgueil, prend vite à la gorge. On pense à la puissance tellurique des grands russes devant ce portrait mélancolique et on ne répétera jamais assez que Ceylan est aujourd’hui au sommet de son art
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéASSAUT ★★★★☆
De Adilkhan Yerzhanov
Le nom de Adilkhan Yerzhanov ne doit pas vous dire grand-chose et c’est normal. Pourtant depuis quelques années, ses films (A Dark Dark Man…) triomphent dans tous les festivals où ils passent. Assaut raconte un pays gangrené par la corruption et les abus de pouvoir, miné par la pauvreté et peuplé de types débonnaires incapables, voire dangereux…. Mais, pour parler de tout cela, Yerzhanov préfère ici la satire au réquisitoire et décrit avec un humour de non-sens la prise d'otages d'une école par des hommes masqués. Stylé, triste, déroutant et dépaysant, le film avance en équilibre. Entre le western (on pense à Hawks et Carpenter), le slapstick (des effluves de Tati) et le film noir (le cinéaste a clairement étudié les films déjantés des Coen). Mais derrière ce funambulisme il y a surtout le sens puissant du cadre, une maniaquerie jubilatoire ainsi que l’approche surréaliste du genre. Promis : après avoir vu Assaut, vous n’oublierez plus le nom de Yerzhanov.
Gaël Golhen
PREMIÈRE A AIME
L’EDUCATION D’ADEMOKA ★★★☆☆
De Adilkhan Yerzhanov
Yerzhanov est décidément insaisissable. Un jour il signe un polar déjanté (Assaut voir ci- dessus), le lendemain c’est une fable burlesque sur l’éducation et les dysfonctionnements de son pays. L’Education d’Ademoka suit le parcours d’une adolescente gitane en situation irrégulière. Ademoka est brillante, rêve d’écrire et de dessiner, mais est obligé de mendier pour survivre. Sa rencontre avec un énigmatique alcoolo va bouleverser sa vie. Comédie surréaliste matinée d’une poésie foutraque (tout se passe dans des extérieurs abstraits et déglingués), surjeu des comédiens… le film est une ode à la liberté, à l’excentricité et à l’entraide qui touche juste. L’interprétation magistrale de ses deux losers et la mise en scène très stylisée (qui évoque en vrac Kusturica ou Roy Andersson) rappelle que ce Yerzhanov possède un don de cinéma totalement unique.
Gaël Golhen
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
LE RETOUR ★★☆☆☆
De Catherine Corsini
Dans son nouveau film revenu bredouille de Cannes, Catherine Corsini met en scène une quadragénaire noire engagées par une famille parisienne aisée pour s'occuper des enfants le temps d’un été en Corse. Une île où elle n’est plus revenue depuis 15 ans et la mort du père de ses deux filles Farah qui l’accompagnent. Plusieurs films cohabitent à l’intérieur de ce récit. Le plus réussi est la coming of age story, le temps des premières expériences amoureuses de ses deux jeunes héroïnes. L’énergie de Suzy Bemba et Esther Gohourou traverse l’écran. Mais si les comédiennes épatent à ce point, c’est aussi parce qu’elles parviennent à transcender le côté archétypal de leurs personnages. Et ce souci d’écriture plombe les deux autres dimensions du film. La chronique familiale avec le passé qui ressurgit autour des circonstances de la mort du père. Et la chronique sociétale où il est question de honte de classe, d’une satire de la bourgeoisie "gauche caviar" manquant cruellement de finesse.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéLES ALGUES VERTES ★★☆☆☆
De Pierre Jolivet
Thierry Cheze
PETIT JESUS ★★☆☆☆
De Julien Rigoulot
Quand les galères commencent, elles ont tendance à voler en escadrille. Et Jean, un papa tout récemment séparé, en fait l’amère expérience comme si tout ce qu’il entreprend était désormais voué à l’échec. Sauf qu’au bord du précipice, il pense pourtant avoir un atout majeur dans sa manche. Son fils de 10 ans dont il est persuadé qu’il est un faiseur de miracles, pourquoi pas même le nouveau Messie et qu’il entend tenter de le prouver aux yeux du monde entier ! Sur ce point départ prometteur, ce premier long métrage semble toujours hélas avancer avec le frein à main, n’osant jamais aller vraiment au bout de la douce dinguerie qu’il semble pourtant viser. Parce qu’il y a par-dessus tout ici une volonté d’émouvoir, de se faire le plus rassembleur possible, quitte à flirter parfois à la mièvrerie alors que tous les éléments sont réunis pour aller exactement à l’oppose. Bilan : le film a un charme certain – et le toujours génial Antoine Bertrand n’y est pas pour rien – mais trop noyé sous un robinet d’eau tiède.
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIME
ENTRE NOUS ★☆☆☆☆
De Jude Bauman
Tout commence comme un téléfilm gentillet. Élodie et Laetitia ont la trentaine, sont en couple et se lovent dans un canapé, voix basse et caresses mielleuses. Elles voudraient bien un enfant par PMA. Mais leurs finances ne sont pas au beau fixe. Elles décident de prendre un colocataire, Simon, un artiste magicien, genre ténébreux ou dandy. Patatras. L’homme se révèle être un ensorceleur de première. Le couple bat de l’aile. L’une tend vers le beau parleur, l’autre se rebiffe. Malheureusement, l’intrigue ne sonne jamais juste. Les comédiens psalmodient leur texte, leurs personnages manquent de chair, et le scénario semble cousu de fil blanc, stéréotypé, ultra pédago – lesbianisme, désir d’enfant empêché, tromperie, mâle toxique. Le film reste téléfilm. À trop vouloir coller à l’ère du temps, il passe à côté de son sujet, caricature les clichés et finit mélo. Ou moraliste.
Estelle Aubin
Et aussi
Ollie & compagnie, de Anton Setola
Les reprises
Francisca, de Manoel de Oliveira
Little Nemo, de Masami Hata et William Hurz
Memento, de Christopher Nolan
Virgin suicides, de Sofia Coppola
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