Families like Ours
Studio Canal

La crise climatique et les migrations qu'elle engendrera inévitablement, racontées depuis le Danemark dans une dystopie humaine, intelligente et bouleversante, signée Thomas Vinterberg.

Quatre ans après le phénomène Drunk (Oscar et César du Meilleur film étranger), Thomas Vinterberg est de retour. Mais pas au cinéma. Dans les pas de ses compatriotes Lars von Trier ou Nicolas Winding Refn, le réalisateur danois tente pour la première fois l'expérience du petit écran avec Families like Ours, une mini-série diffusée en France sur Canal+ qui déborde d'ambition. Il fallait bien 6 heures (7 épisodes de 50 minutes) pour décliner cette dystopie glaçante et édifiante, qui en dit possiblement long (espérons que non...) sur les drames qui attendent le vieux continent…

Dans un futur très proche, la montée des eaux devient ingérable pour les pays confrontés à une élévation sans précédent du niveau des océans. Les Hollandais ont dû fuir les Pays-Bas et en ce début d'été, c’est le gouvernement danois qui prend une décision drastique : financer des digues et des barrages devient absurde, vain. Le Danemark aussi est condamné à court terme. Il faut donc partir. Et organiser l'évacuation des 6 millions d'habitants, qui devront se réfugier chez leurs voisins européens. Certains sont envoyés en Finlande, d'autres en Pologne, en Allemagne... La famille recomposée de Laura, elle, doit aller s'installer en France. Mais sa mère, qui vit seule est envoyée en Roumanie...

Families like Ours
Studio Canal

UN DRAME FAMILIAL, PAS POLITIQUE

Thomas Vinterberg change le scope de son cinéma. Le réalisateur de Festen se penche sur le destin du monde, mais le fait avec sa touche à lui : en auscultant la famille, sous toutes ses formes, et en la précipitant cette fois dans l'inconnu total. Au bord du vide. Du néant. Comment surmonter l'absence même d'avenir ? Une considération vertigineuse, qui rappelle les sueurs froides que nous filaient Years and Years en 2019. Families like Ours aussi nous gifle brutalement avec ce petit truc horriblement prophétique. Mais Vinterberg préfère délaisser l'aspect politique des choses. Le Danois a moins l'ambition de tirer la sonnette d'alarme climatique, que de montrer la résilience humaine face à une situation de crise inédite. Se détournant des ramifications géopolitiques qu’une telle remise en question du monde supposerait, il s’attache aux gens pris dans la tempête. Ici, le cataclysme n’est pas visuel, il est émotionnel. Son récit tourne le dos au spectaculaire, pour rester toujours dans l’intime, l’humain.



LA RÉVÉLATION AMARYLLIS AUGUST

Families like Ours part ainsi du dérèglement climatique pour dépeindre la crise migratoire qui nous pend au nez et interroge au passage : Saurons-nous accueillir ces réfugiés? Saurons-nous être à la hauteur à l’épreuve de la solidarité ?  Thomas Vinterberg parle brillamment immigration, en inversant les rôles. Inspiré par le film Brooklyn (2015) - qui racontait l'installation d'une Irlandaise à New York dans les années 1950 - il raconte avec passion le déchirement de la séparation, la fragmentation d'un peuple, d'une culture. Il le fait sans racolage, mais avec une humanité prégnante, qui sert toujours sa narration entièrement centrée sur les personnages.

En cheffe de file du casting, on découvre une révélation nommée Amaryllis August - fille du réalisateur Bille August, double Palme d'Or à Cannes pour Pelle le Conquérant et Les Meilleures Intentions - bouleversante adolescente emportée par le drame, tiraillée par la vie et ses choix. Au fil de sa captivante saga familiale, les destins des siens s'entrecroisent de Copenhague à Bucarest en passant par Paris. L’émotion nous prend à la gorge. L’angoisse aux tripes. En espérant que Thomas Vinterberg n'ait pas deviné l’Europe de demain.

Families like Ours, à voir chaque lundi sur Canal + à partir du 6 janvier.

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