Avant la sortie de son dixième long-métrage, la comédie policière Amsterdam au casting cinq étoiles (Christian Bale, Margot Robbie, John David Washington…), retour sur la filmographie du réalisateur David O. Russell.
Spanking the Monkey (1994)
David O. Russell se fait remarquer en 1994 avec un premier long-métrage au titre provocant (une référence argotique à la masturbation), qui remporte le prix du public au festival de Sundance, rampe de lancement privilégiée des jeunes réalisateurs américains. Ce récit initiatique abordant le thème de l’inceste sur le ton d’une comédie grinçante pose les bases thématiques des futurs grands films du cinéaste : les familles dysfonctionnelles, les désirs d’émancipation contrariés... Le succès public et critique du film va permettre à Russell de se faire une place sur la photo de famille des rebelles « indés » du cinéma US des années 90, aux côtés de Quentin Tarantino, Spike Jonze, Steven Soderbergh ou Paul Thomas Anderson.
Flirter avec les embrouilles (Flirting with disaster, 1996)
Produite par Miramax et présentée au Festival de Cannes 1996 (dans la section Un Certain Regard), cette comédie excentrique est l’un des premiers films à mettre en valeur le talent explosif de Ben Stiller, comique alors en pleine ascension. Le futur acteur de Mary à tout prix joue un jeune papa embarqué dans un road-trip délirant, aux côtés de Téa Leoni et Patricia Arquette, à la recherche de ses parents biologiques. Screwball comedy pimentée de grands sentiments, le film impose un ton assez unique dans le paysage du cinéma américain de l’époque. La présence au générique d’acteurs mythiques des années soixante-dix (Mary Tyler Moore, George Segal, Alan Alda, Lily Tomlin) confirme que les influences de David O. Russell sont à chercher du côté des grands cinéastes du Nouvel Hollywood, Robert Altman en tête.
Les Rois du désert (Three Kings, 1999)
Changement de décor, de style, de ton et d’ampleur. David O. Russell s’inspire d’un classique irrévérencieux du film de guerre (De l’or pour les braves, de Brian G. Hutton, avec Clint Eastwood) pour livrer une comédie d’action autour de trois soldats américains (George Clooney, Mark Wahlberg et Ice Cube), qui partent, au lendemain de la guerre du Golfe, à la recherche d’un trésor caché par Saddam Hussein dans le désert irakien. Exubérant, « clippesque » et très, très drôle, le film fait aujourd’hui figure de chant du cygne d’une certaine idée du cinéma américain de la fin des années 90, pétaradante et subversive.
J’adore Huckabees (I Heart Huckabees, 2004)
Le stade terminal d’un cinéma indé né dans le giron de Sudance. Comédie intello et surréaliste, J’adore Huckabees raconte les aventures tragi-comiques d’un jeune militant écolo en lutte contre la construction d’un hypermarché, aidé dans son combat par un duo de « détectives existentiels ». Malgré le déploiement de stars (Jason Schwartzman, Mark Wahlberg, Isabelle Huppert, Dustin Hoffman, Lily Tomlin, Jude Law, Naomi Watts…) et l’emballage incroyablement sophistiqué (photo, musique, montage… tout ici est d’une élégance renversante), le film ne rencontrera pas son public et poussera David O. Russell, de son propre aveu, à réinventer son cinéma.
Fighter (The Fighter, 2010)
Un film de boxe pas comme les autres. Inspiré de la vie et des galères de deux demi-frères boxeurs du Massachussetts, Fighter utilise le prétexte du film de sport pour dresser des portraits bouleversants d’humanité, et offre l’occasion de compositions saisissantes à ses acteurs, Mark Wahlberg, Amy Adams, Christian Bale et Melissa Leo, dont deux seront oscarisés pour la peine (Bale et Leo, meilleurs seconds rôles en 2011). Entre engueulades alcoolisées, digressions musicales et montées d’adrénaline scorsesiennes, David O. Russell se réinvente en peintre sensible des splendeurs et misères du rêve américain.
Happiness Therapy (Silver Linings Playbook, 2012)
Après le film de boxe, David O. Russell rafraîchit la comédie romantique. Et se trouve au passage deux nouveaux acteurs fétiches : Bradley Cooper, alors à la recherche de « crédibilité » après le triomphe de Very Bad Trip, et Jennifer Lawrence, idole « young adult » de la saga Hunger Games. Lui interprète un jeune homme bipolaire et dépressif revenu vivre chez son père et sa mère, elle une veuve précoce aux tendances nymphomanes. Qu’est-ce qui pourrait les rapprocher, leur prouver que l’amour peut tout transcender, sinon un concours de danse ? Sur un argument léger comme une plume, libre comme l’air, un miracle de rom-com euphorisante, qui a valu un Oscar à Jennifer Lawrence et est devenu au fil du temps un classique des soirées Saint-Valentin.
American Bluff (American Hustle, 2013)
La reconstitution d’un scandale oublié des années 70 (l’affaire Abscam, impliquant un couple d’escrocs, un agent du FBI et un maire corrompu du New Jersey) devient un prétexte pour délirer sur une poignée de personnages en manque d’amour, de reconnaissance, d’un sens à donner à leur vie… Sautant volontiers du coq à l’âne, American Bluff est un faux polar, un faux film d’arnaque, qui préfère l’étude de personnages au suspense pur et dur. Les acteurs s’en donnent à cœur joie, de Christian Bale ajustant ses perruques devant son miroir à Jennifer Lawrence passant le balai en dansant sur du Paul McCartney… Des scènes apparemment gratuites mais qui disent le plaisir des stars d’être là, saisies par une caméra tourbillonnante et amoureuse.
Joy (2015)
L’association entre David O. Russell et Jennifer Lawrence se poursuit avec ce biopic de Joy Mangano, une mère de famille divorcée de Long Island qui fit fortune et devint une redoutable femme d’affaires grâce à une serpillère révolutionnaire de son invention. Derrière l’argument abracadabrant, et de nouveau à l’aide d’un casting cinq étoiles (Bradley Cooper, Robert De Niro, Isabelle Rossellini…), Russell imagine un mixe a priori impossible entre Desperate Housewives et Citizen Kane, pour mieux sonder les rêves et les espoirs de la classe moyenne américaine, dont il est devenu, au fil du temps, l’un des plus fins chroniqueurs.
Retrouvez Amsterdam ce mardi 1er novembre au cinéma
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