Ce qu’il faut voir cette semaine.
L'EVENEMENT
De Joe et Anthony Russo
Onze ans après Iron Man, la saga super-héroïque de Marvel se termine avec ce 22e blockbuster, Avengers Endgame. Suite au "snap" destructeur de Thanos (Josh Brolin), les héros d’origine (Iron Man, Black Widow, Captain America, Thor…) plus quelques nouveaux (Rocket, Ant-Man ou Captain Marvel) se réunissent une dernière fois pour tenter de ressusciter leurs amis disparus. Difficile d’en dire plus sans spoiler, il faut simplement savoir que les frères Russo et leurs scénaristes ont trouvé une bonne idée pour que cette suite d’Infinity War soit à la fois un grand final (pour le prouver il n’y a même pas de scène post-générique) et un maxi best-of des épisodes précédents. Un film somme, qui durant trois heures bien remplies invoque des scènes clés de la saga tout en offrant à chaque personnage important son moment de gloire. Sans oublier quelques surprises de taille ! Même si les théories fusaient, le duo n’avait pas menti en affirmant qu’il était "impossible que les fans devinent ce qui se passent". Le tout est parsemé d'une bonne dose d’humour : cet épisode est particulièrement fun, même au sein des standards de Marvel, dont la recette est poussée à son paroxysme.
Elodie Bardinet
PREMIÈRE A ADORÉ
MAIS VOUS ÊTES FOUS ★★★★☆
De Audrey Diwan
Romancière (La Fabrication d’un mensonge), journaliste (Stylist), scénariste pour le petit (la quatrième saison de Mafiosa) et le grand écran (les trois longs métrages de Cédric Jimenez : Aux yeux de tous, La French et HHhH), Audrey Diwan rajoute donc une nouvelle corde à son arc : la réalisation. Coécrit avec Marcia Romano (La Tête haute), Mais vous êtes fous met en scène un dentiste à qui on donnerait le Bon Dieu sans confession. Heureux dans son métier comme en amour. Adoré de ses enfants comme de ses beaux-parents. Sauf que très rapidement, on comprend que quelque chose cloche.
Thierry Chèze
La critique de Mais vous êtes fous en intégralité90’S ★★★★☆
De Jonah Hill
Soyez prévenus, 90’s s’ouvre sur une scène d’une simplicité inouïe. Un gamin de 13 ans (l’épatant Sunny Suljic, lire encadré) pénètre dans la chambre de son grand frère malgré l’interdiction formelle de celui-ci. Il admire les casquettes, les baskets, les posters de stars du rap, et surtout l’impressionnante collection de CD... Nous sommes à Los Angeles dans les années 90, et pourtant, jamais son réalisateur – Jonah Hill, décidément imprévisible – ne sacrifie à la vogue rétro ou à la régression nostalgique.
Sylvestre Picard
Lire la critique de 90's en intégralitéMONROVIA, INDIANA ★★★★☆
De Frederick Wiseman
Frederick Wiseman est l’anti-Michael Moore. Tous deux ont certes en commun de raconter le monde qui nous entoure. Mais là où Moore s’agite et éructe – parfois avec efficacité (Bowling for Columbine), souvent avec une balourdise contre-productive (Fahrenheit 11/9) – Wiseman semble chuchoter comme pour nous forcer à tendre l’oreille et à fixer notre attention sur ce qu’il montre. Spécialisé ces dernières années dans les explorations de grandes institutions (le Crazy Horse, la National Gallery...), il pose ici sa caméra à Monrovia, au coeur de l’Indiana. Un choix qui ne doit rien au hasard : cette bourgade compte 1 400 habitants, dont 76 % ont voté pour Trump ! Il eut été alors facile de se contenter d’un simple brûlot ironique, de tirer à boulets rouges sur ceux qui ont porté au pouvoir ce président « menteur, raciste et escroc », pour reprendre les mots de son ex-avocat Michael Cohen. Mais Wiseman évite tous ces pièges. Comme à son habitude, sans le moindre commentaire en off, il dépeint comme personne le quotidien d’une communauté dans toute sa diversité (enterrements, réunions municipales, foires agricoles...) et raconte ainsi cette Amérique oubliée, ses moments de joie comme son manque d’intérêt voire sa peur du monde extérieur, la lecture de la Bible comme solution à tous les problèmes... Et ainsi affleurent au fil des minutes et des conversations le pourquoi et le comment d’un vote Trump. Sans pour autant se prétendre le représentant du bien sachant contre le mal, ignorant. L’exercice est subtil et passionnant. À l’image de l’œuvre de cet immense documentariste.
Thierry Chèze
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
JE VOIS ROUGE ★★☆☆☆
De Bojina Panayotova
Bojina Panayotova a 30 ans et part enquêter sur sa propre famille en Bulgarie. Une question l’obsède : est-ce que ses parents et grands-parents, anciens membres du Parti, travaillaient pour la police secrète
du temps du communisme triomphant (1945-1989) ? Bojina, aidée de sa caméra, fouine, interroge et se retrouve le plus souvent face à un mur invisible qui, en même temps qu’il l’empêche d’avancer, exprime assez bien le malaise que soulève sa question. Que ce soit sa grand-mère, dans le déni, ou son père et sa mère, bientôt agacés par les motivations de leur fille, la réalisatrice met à jour un passé peuplé de fantasmes où la plupart des individus avançaient dans un épais brouillard. Reste à savoir si le cinéma peut aider à rendre compte de tout cela et si, à force de chercher une vérité, on ne finit pas par ressembler soi-même à ceux que l’on dénonce. Intéressant.
Thomas Baurez
LA MISÉRICORDE DE LA JUNGLE ★★☆☆☆
De Joël Karekezi
Sacré au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, La Miséricorde de la jungle de Joël Karekezi est un manifeste pour la paix. Située en 1998, l’action du film traite des conséquences du génocide rwandais commis quatre ans auparavant. La guerre avec le Congo fait rage. Le sergent Xavier (Marc Zinga) est un soldat expérimenté. Il a pris sous son aile une jeune recrue, le soldat Faustin (Stephane Bak). Mais les deux hommes perdent leur bataillon et se retrouvent alors obligés de traverser la terrible jungle congolaise. La force du film est de nous faire vivre l’absurdité de la guerre par le regard de ces militaires qui, pour survivre, se retrouvent contraints à porter l’uniforme ennemi. Et la poésie des scènes au village miraculeusement épargné où ils trouvent refuge réussit à faire quelque peu oublier le manque de moyens qui pénalise ce récit.
Sophie Benamon
UN TRAMWAY À JÉRUSALEM ★★☆☆☆
De Amos Gitaï
Dans son premier long, le documentaire House, Amoïs Gitaï filmait le chantier dédié à la reconstruction d’une maison à Jérusalem pour décrire les rêves et les souffrances des Israéliens et des Palestiniens qui y participaient. Quarante ans plus tard, on retrouve cette même idée de mosaïque de personnages, de tous âges et origines, qui voyagent dans un tramway traversant Jérusalem d’est en ouest. Cette succession de saynètes permet de raconter ce coin du monde sous tension permanente par le prisme d’un humour inhabituel dans son œuvre. Mais Un tramway à Jérusalem peine à s’extirper des travers habituels de ce type de fiction : l’inégalité des situations qui s’enchaînent, trop nombreuses à enfoncer des portes ouvertes. Avec évidemment son lot d’exceptions, à commencer par les deux – l’une quasi silencieuse, l’autre tout en dialogues – interprétées par l’impeccable Mathieu Amalric.
Thierry Chèze
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
L’ADIEU À LA NUIT ★☆☆☆☆
De André Téchiné
Qu’est-ce qui relie et délie des individus entre eux ? C’est une question qui taraude André Téchiné depuis ses débuts. Le contexte aide parfois à précipiter les choses (la guerre d’Algérie, la Seconde Guerre mondiale, les années sida, un fait divers...), mais c’est l’humain et ses mystères qui tiennent la caméra du cinéaste en alerte. Dans cet Adieu à la nuit, tout y est et pourtant rien ne va vraiment. Un peu comme dans son précédent long métrage, Nos années folles, où la force du sujet se retrouvait diluée par un scénario inefficace à force de retenue. Ici, une grand-mère (Catherine Deneuve) propriétaire d’une ferme dans le Sud de la France voit son petit-fils (Kacey Mottet Klein) revenir provisoirement au bercail avant un départ pour le Canada. Du moins le croit-on, car le jeune homme converti à l’islam s’est en réalité radicalisé et veut partir en Syrie avec sa fiancée (Oulaya Amamra). Là où, sur un sujet similaire, Thomas Bidegain et ses Cowboys parvenaient, avec un sens du récit proche de l’épopée, à ausculter les fêlures affectives qu’engendre la disparition progressive d’un être cher enfermé dans son propre aveuglement, André Téchiné ne sait pas très bien quoi montrer, ni raconter. Ainsi, quand la mamie retient physiquement prisonnier son petit-fils dans son haras pour tenter de le raisonner, ce qui devrait être une séquence puissante prend des allures de mauvais téléfilm où, à force de tout surligner et dramatiser, les choses se dévitalisent. Une déception à la hauteur de notre admiration pour le cinéma d’André Téchiné.
Thomas Baurez
VICTOR ET CÉLIA ★☆☆☆☆
De Pierre Jolivet
Il y a la grâce d’Alice Belaïdi, sa repartie éclair, sa manière si particulière de jouer la lâcheté, et le charme irrésistible d’Arthur Dupont, sa subtilité dans les doutes et les élans. Ce duo constitue le sel de cette comédie sociale sur deux jeunes coiffeurs qui surmontent les obstacles pour créer leur entreprise. Mais cela ne suffit hélas pas à exalter un scénario aux rebondissements assez convenus et aux dialogues bien plats. Pierre Jolivet (Ma petite entreprise) nous avait habitués à mieux. Certes, le réalisateur sait comme à son habitude donner de l’épaisseur à ces petits détails qui font le quotidien d’une profession. Dommage qu’il n’ait pas apporté le même soin à ses seconds rôles (Bruno Bénabar en comptable, Bérangère Krief en infirmière). Ils tournent un peu en rond. Comme le film.
Sophie Benamon
EMPATHIE ☆☆☆☆☆
De Ed Antoja
Ce doc est un cas d’école. Le type même du film pétri des meilleures intentions qui donne furieusement envie de penser l’inverse de ce qu’on nous y assène. Passons sur la banalité de sa réalisation et l’insupportable musique qui l’accompagne, le problème se situe bien au-delà. Dans Empathie, le réalisateur Ed Antoja se met en scène en pleine immersion dans le monde de la cause animale et du véganisme. Où tout amateur de viande est le grand Satan. Et très vite, on comprend que son univers va désormais se diviser entre des gentils très gentils vus comme des saints intouchables et des méchants très méchants dont on peut allègrement se foutre de la gueule. Empathie assène de prétendues vérités en privilégiant les témoignages aux preuves et sans rien montrer qu’on ne sache déjà. Il refuse toute contradiction comme s’il allait se salir dans le dialogue. Un pur film de propagande.
Thierry Chèze
DEBOUT ☆☆☆☆☆
De Stéphane Haskell
Un ancien malade, condamné par la médecine au handicap, s’en est sorti grâce au yoga. Guéri, il a parcouru le monde pour rencontrer des profs et des pratiquants de cette discipline ancestrale... Ce récit de vie amélioré a-t-il sa place en salles ? La réponse est non. Plus proche de la vidéo publicitaire, voire institutionnelle, Debout prêche des convaincus et ne souffre aucun débat contradictoire.
Christophe Narbonne
Et aussi
Aujourd’hui, rien de Christophe Pellet
L’esprit Le Corbusier de Gilles Coudert
Ne coupez pas ! de Shinichiro Ueda
Reprises
Charlie mon héros de Don Bluth et Gary Goldman
House by the river de Fritz Lang
Les Misérables de Lewis Milestone
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