Mike Nichols : "Un film, c’est une boule de neige. Une fois qu’elle est lancée vous ne pouvez que prier pour qu’elle aille dans la bonne dire...
Interview rétro : Mike Nichols
A l?occasion de La Brûlure, un drame amoureux qui se jouait entre <strong>Jack Nicholson</strong> et <strong>Meryl Streep</strong>, Michelle Halberstadt avait rencontré le cinéaste <strong>Mike Nichols</strong> pour <em>Première</em>. Une interview dans laquelle il revenait sur son rapport aux comédiens, ses méthodes de travail et son amour du théâtre. Extraits.Voir aussi :<strong>Mike Nichols est-il plus grand que le lauréat ?</strong><strong>Le Lauréat en cinq scènes cultes</strong><strong>50 ans de références au Lauréat</strong>
Hasard et nécessité
« Un film, c?est une boule de neige. Une fois qu?elle est lancée vous ne pouvez que prier pour qu?elle aille dans la bonne direction. Sur le tournage, les miracles arrivent ou n?arrivent pas. Vous savez, il y a des films où la scène, le geste magique se font précisément quand le son est pourri ou la lumière mauvaise?. C'est dû à la qualité, à l?intensité des gens qui sont sur le plateau. Et c?est vrai du machino à la star. C?est à cause de cela que le cinéma de Renoir est magique. Sa pureté rejaillissait sur tout le monde. Et sur tout ce qu?il faisait »<em>(Réaliser, diriger)</em> c?est comme faire l?amour. Vous ne voyez jamais quelqu?un d?autre faire l?amour devant vous, donc vous ne savez jamais si vous faites bien?
Jack Nicholson
« Cela fait 3 films que nous faisons ensemble et quinze ans qu?on est amis. On se parle souvent au téléphone. Pendant que je travaillais sur le montage de <em>La Brûlure</em>, je l?appelais une fois par semaine pour lui dire comment ça se passait. Je disais "j?ai enlevé ça, j?ai monté ça comme ça". Et lui, toujours, il répondait : "c?est super, ouais, ça sonne bien, c?est formidable." Un jour, je lui ai dit que j?avais raccourci les scènes où Meryl Streep est sans lui à New York, attendant qu?il la rejoigne et je lui ai dit : "Tu vois, je trouve que c?est mieux comme ça. On revient plus vite sur toi." Au bout du téléphone, il y a eu un long silence, de plus d?une minute. Alors j?ai dit : "J?ai eu tort, hein ?" Autre très long silence. Puis, il m?a répondu : "Heu?. Je ne sais pas Nick?." C?est la phrase la plus négative qu?il m?ait jamais dite et encore, il l?a fait parce qu?il s?agissait du personnage de Meryl ! S?il s?était agi de lui, il ne m?aurait même pas fait sentir ses doutes. C?est ça la générosité de Jack. C?est pour cela que tout le monde l?aime, et qu?on l?aime toujours à l?écran, quel que soit son rôle. D?ailleurs, je n?ai jamais entendu ni lui, ni Meryl dire : "et si on changeait cette phrase ?" Ils font partie de cette race d?acteurs qui estiment qu?un texte est un texte et qu?ils ne sont là que pour le servir, au mieux de leur capacité. »
Meryl Streep
« Le travail de Meryl est invisible. Un beau jour, elle est devant vous, elle est le personnage, mais vous ne savez pas comment elle a fait pour le devenir. Quand elle, son maquilleur et sa costumière me disent "on aimerait vous montrer quelque chose", alors que vous démarrez les répétitions, c?est généralement qu?elle est devenue le personnage. Chez elle, ça passe par des choses très concrètes, et surprenantes. C?est elle qui a décidé pour <em>Le Mystère de Silkwood</em>, qu?il était important qu?elle fume. Et un jour, c?était un dimanche, on a passé la journée ensemble, et le soir, j?ai remarqué : "Mais tu n?as pas fumé ! Tu fumes presque un paquet, les autres jours !" Et elle m?a répondu, très simplement, comme si c?était évident : "mais aujourd?hui, je ne tourne pas !"Dans <em>La Brûlure</em>, il y a une scène où elle trouve les preuves que son mari la trompe, elle pleure, et elle est déchirante. Le jour où on a tourné cette scène, je me suis dit : "Voilà, ça c?est Meryl à nu, comme elle est dans la vie". Un peu plus tard, j?ai vu <em>Out Of Africa</em> et dans la scène où on lui apprend que l?homme qu?elle aime est mort, elle ne fait rien. Rien du tout. Son visage ne bouge pas. Il y a juste une narine qui frémit un peu?. Et je me suis dit : "je m?étais trompé. Ca doit être ça le vrai visage de Meryl." C?est la seule actrice au monde qui puisse faire ça, changer comme ça. Changer de physionomie, de visage, tous les acteurs peuvent le faire, mais changer de l?intérieur, comme Meryl, à part Dalio, je ne vois pas qui d?autre en est capable?. Tenez, De Niro, il ne sait pas ! Lui, il est un peu comme Woody Allen, il cherche à creuser de plus en plus loin dans la même direction. C?est une autre approche »
Répétition
« La répétition permet de bien préciser d?où on vient et où on va, de baliser la route en points de repère. Comme cela ensuite, quand vous tournez les scènes dans un désordre chronologique complet, il vous suffit de rappeler un mot aux autres pour qu?ils sachent de quel repère il s?agit. Mon travail réside essentiellement là-dedans : transformer le texte en carte géographique, y mettre des couleurs, pour souligner les reliefs?. Quand la carte est dessinée, qu?on commence à tourner, ce que j?ai de mieux à faire, c?est d?intervenir le moins possible. Parfois, il suffit de dire "plus doucement" ou "plus vite" pour remettre une scène sur les rails. C?est David Lean, à qui on demandait quelle devait être la principale qualité d?un metteur en scène qui a répondu : "Incontestablement, il faut savoir à quelle vitesse il faut faire parler ses acteurs." Il a tout à fait raison. Il faut donner tout son sens à un silence ou à une absence de silence. C?est une question d?oreille. L?oreille, c?est comme l?humour : c?est de naissance, ça ne s?apprend pas. Tandis que l??il, lui, se forme et peut apprendre, évoluer. Dieu merci, je suis né avec une bonne oreille, c?est une chance inestimable ».
Théâtre et cinéma
« Au théâtre, le travail consiste à dire aux acteurs où ils se placent, tandis qu?au cinéma, on leur dit qui est celui pour lequel la scène est importante, quel est celui qui est concerné. Au théâtre, c?est un ensemble. Au cinéma, on individualise les personnages. C?est pour ça qu?il est quasiment impossible de bien adapter Tchekov au cinéma : tous les personnages sont liés, ce qui arrive à l?un est fonction de ce que vit l?autre qui, lui, influe sur le troisième?. Il faut pouvoir les regarder tous simultanément. »
A l’occasion de La Brûlure, un drame amoureux qui se jouait entre Jack Nicholson et Meryl Streep, Michelle Halberstadt avait rencontré le cinéaste Mike Nichols pour Première. Une interview dans laquelle il revenait sur son rapport aux comédiens, ses méthodes de travail et son amour du théâtre. Extraits.
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