Première
par Christophe Narbonne
Quatorze ans après La chambre du fils, Nanni Moretti signe un nouveau film où il est question de mort et de renaissance. Contrairement à la Palme d’Or 2001, Mia Madre commence pas par une disparition brutale, insupportable, quasiment insurmontable, mais par le tournage d’un film social dirigé par l’irascible Margherita dont on découvre peu après que la mère se meurt à l’hôpital. Toute l’intrigue est rythmée par ces incessantes allées et venues entre le plateau et l’hosto, entre la vie sublimée et la mort annoncée. La nuit américaine meets Amour.
Difficile de ne pas voir derrière cette Margherita (interprétée par la délicate Margherita Buy) Nanni Moretti lui-même : le cinéaste italien a perdu sa mère, ancienne professeure de lettres comme le personnage en question, dans des conditions similaires il y a quelque temps. Il s’est pour sa part pudiquement réservé le rôle du grand frère trop raisonnable qui met en lumière la fragilité et les doutes de l’héroïne, peut-être mauvaise fille, visiblement maman à temps partiel, sans doute bonne réalisatrice –elle en a ce statut en tout cas. Passé maître dans l’art de la litote, Moretti raconte en creux les effets pervers d’une vie dédiée à l’art qui sacrifie les proches et la jouissance, le tout sans cynisme aucun, de manière douce et apaisée.
Et puis, il y a John Turturro. L’acteur fétiche des frères Coen (hello les bros !), apporte une touche de fantaisie qui donne au film ses meilleurs moments : une scène d’ivresse, une autre d’engueulade, une dernière de danse endiablée. Le plus Italien du film, fantasque et bruyant, c’est lui.