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Sadomasochisme, difformité physique, séquestration... On retrouve tout ça, et plus encore, dans ce nouveau film de Wakamatsu marqué par une licence poétique et une répétition écoeurante des situations. Si le soldat, réduit à l’état de chenille humaine, sert d’allégorie aux convulsions politiques d’un Japon qui ne s’est jamais remis de la Seconde Guerre mondiale, l’épouse (Shinobu Terajima) passe avec une nuance subliminale de la compassion feinte à la haine noire. À travers ces rapports de force, Wakamatsu (74 ans) fustige le nationalisme belliciste et renoue avec l’esprit de ses pinku eiga (films à teneur plus ou moins érotique), et notamment son plus connu, Quand l’embryon part braconner – la virilité contrariée, l’incapacité à se relever du déshonneur, la claustrophobie. À la différence près que, cette fois-ci, la proie naguère humiliée peut enfin dominer un prédateur devenu larve.
Toutes les critiques de Le Soldat Dieu
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Avec Kôji Wakamatsu, aucun risque de s’ennuyer. Virulent, radical, extrémiste, le cinéaste gratte depuis longtemps les plaies de la société japonaise et ce nouveau film prouve de façon éclatante qu’il ne s’est nullement assagi avec l’âge.
Le Soldat dieu est un brûlot rageur, un coup de sabre tranchant dans le militarisme, le nationalisme et le patriarcalisme. Pour en donner une vague idée, quelque chose entre L’Empire des sens, Rambo, Freaks et Johnny Got His Gun. (...) Tel Flaubert, Wakamatsu pourrait sans doute s’écrier “Shigeko, c’est moi !” Le Soldat dieu se passe il y a soixante-dix ans, mais son âpreté, sa colère, son féminisme, son tempérament iconoclaste sont d’aujourd’hui, et probablement de tout temps. -
Un pamphlet historique dénonçant les exactions de l'armée japonaise (passé encore officiellement nié) qui puise sa virulence dans sa férocité politique, sa démesure d'écriture et la frontalité baroque de sa mise en scène. Engagé, éprouvant et salutaire.
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Koji Wakamatsu retrouve la rage de ses oeuvres de jeunesse et dresse un portrait sans concession d’une humanité toujours prête à s’adonner à la barbarie. Le film coup de poing de cette fin d’année.
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Car si héroïsme il y a dans Le Soldat dieu, c'est bien Shigeko, sa femme, qui l'incarne, obligée de travailler deux fois plus dans les rizières pour subvenir aux besoins de son époux, devenu non seulement un animal mais surtout un parasite. « Le foyer est le dernier front, nous endurons toutes les peines pour notre empire », chante-t-elle alors en lui cédant sa propre ration de nourriture, reprenant avec dérision les chants de propagande diffusés à la radio.
On retrouve là l'aspect féministe et sexuel du cinéma de Wakamatsu, qui déjà dans son premier film traditionnel (après une carrière remarquée dans la série B érotique), Quand l'embryon part braconner, dépeignait la revanche d'une femme séquestrée par un homme. Filmé rapidement, sans grands moyens, Le Soldat dieu n'est pas un véritable huis clos, mais donne l'impression d'un enfermement. Le corps, le couple, la famille, le village : avec la guerre, chaque parcelle de la société devient une prison, sur laquelle les bruits extérieurs (criquets, pluie, oiseaux) ricochent, se répètent jusqu'à la démence. Seul un personnage, sorte de fou du village curieusement attifé en rouge et mangeant des fleurs, semble extérieur à la propagande guerrière. Pacifiste, il incarne le témoin lucide de ce puissant manifeste anti-guerre, qui perce, caméra au poing et l'aiguille chauffée à blanc, les abcès et les hypocrisies d'un pays. -
Le thème rappelle celui de Johnny got his gun » et les corps à corps ceux de « L’empire des sens », dont Wakamatsu fut le coscénariste et le producteur. La mise en scène classique, le contraste entre le paysage paisible aux verdoyantes rizières et le huis clos violent dénoncent toute forme de domination, celle à l’intérieur du couple n’étant pas la moindre. Beau, puissant et féministe.
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La force de ce film étonnant est ainsi moins liée à sa virulence satirique qu'au mélange des tons qui la tempère. L'humour noir, le lyrisme tragique et même la beauté y ont leur part. Certaines scènes d'amour rappellent par exemple L'Empire des sens, dont Wakamatsu fut le producteur exécutif. Le Soldat dieu est néanmoins un Empire des sens renversé, où la mutilation n'est pas l'apothéose du désir charnel mais sa condition même. Le film aurait pu s'appeler Le sens de l'empire.
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Car Le Soldat dieu est aussi l'histoire d'une émancipation. Shigeko la soumise (Shinobu Terajima, qui n'a pas volé son Ours d'argent de la meilleure actrice au festival de Berlin) prend petit à petit le dessus sur son tyran domestique. Et finit par lui retourner les coups qu'elle a trop longtemps reçus. Wakamatsu retrouve alors la puissance dévastatrice de son aîné Imamura, entomologiste ironique des frustrations. Voir ces promenades humiliantes que la jeune femme, sourire aux lèvres, fait subir à son mari, exhibé dans une brouette, et incapable de protester...
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Jouant sur les contrastes extrêmes entre la virtuosité de la forme et l'atrocité du fond, Koji Wakamatsu s'impose comme un cinéaste radical et signe une oeuvre antimilitariste et dérangeante.
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Après le très engagé « United Red Army », Koji Wakamatsu s’attaque cette fois à la chape de silence posée depuis soixante-dix ans sur les exactions militaires durant la guerre sino-japonaise. Une fable baroque, fielleuse et contestataire, débordante d’un mauvais esprit salvateur dans sa manière rageuse et politique de défier (dénoncer) la révisionniste histoire officielle.