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PHOTOS - Bon à tirer : Farrelly bros., mode d’emploi

Les meufs

<em>« Toutes les critiques filles nous détestent aux Etats-Unis, elles nous trouvent odieux, »</em> rigole <strong>Peter Farrelly</strong>. Pourtant, les Farrely frères pourraient être décrits comme les auteurs les plus féministes de la comédie US, genre traditionnellement macho, miso et puritain, où les filles sont soit des wannabe mamans gâteaux, soit des salopes irrécupérables. Chez les Farrelly, rien de tout ça, les femmes n?ont pas besoin d?être ivres mortes pour coucher, ne cherchent pas le mariage à tout prix, savent s?amuser, rire, et ont souvent plusieurs trains d?avance sur leurs mecs, handicapés émotionnellement par une maladie tenace appelée l?adolescence. Toutes les Farrelly girls sont smart, cool et sexy. « On ne voudrait surtout pas que nos héros tombent amoureux d?une pimbêche gnan-gnan. Notre femme idéale ressemble à <strong>Cameron Diaz</strong> dans Mary à tout prix <em>: super belle, intelligente, gentille, attentive aux autres, mais n?hésitant pas à se prendre une cuite. Une fille pote. »</em>

La transgression

Si la Lubitsch? touch peut se définir par l?esprit et la sophistication, la Farrelly?s touch le serait plutôt par les poils de cul, la vulgarité crasse et une méchanceté de dortoir<em>. « Quand on a commencé, il n?y avait pas de comédies classées ?R?, c?est-à-dire interdites aux moins de 17 ans. Et c?est là-dedans qu?on s?est engouffrés avec </em>Mary à tout prix <em>: il y avait là une superbe opportunité de choquer en prenant le public par surprise. Or, c?est ça, la comédie : la surprise, le coup là où on ne l?attend pas. » </em>Une affirmation d?autant plus exacte que les Farrelly sont arrivés au moment où triomphait le « politiquement correct ». D?où leurs cibles de choix : handicapés (moqués, humiliés, ridiculisés) et les animaux (électrocutés, torturés, tués), une méthode théorisée par la scène culte de Dumb and Dumber où <strong>Jim Carrey</strong> refile un oiseau mort à un enfant aveugle en fauteuil roulant? Sans pitié.

Le cul…

La trademark transgressive des Farrelly a été revue à la baisse dans une poignée de films tendres comme l?Amour extra-large, <em>Deux en un</em> et Terrain d?entente. <em>« On n?en pouvait plus de devoir franchir les limites à chaque film. A force d?être attendus sur ce terrain-là, on ne surprenait plus, donc c?était moins marrant. Alors on a changé de registre. » </em>Le retour du naturel ne s?en est pas moins fait au galop dans Les femmes de ses rêves, où <strong>Malin Akerman</strong>, insatiable au lit, balance LE dialogue le plus fou de tous leurs films (<em>« Bite moi ! Bite moi comme un homme noir ! »</em>, hurlé en pleine action) avant de montrer en TRES gros plan sa chatte afro piercée. Rien d?aussi barré dans <em>Bon à tirer</em>, quoi que les propositions sexuelles des baby siters de 17 ans et des cougars de 50, puis le duo de bites au gymnasium valent leur pesant de mâchoires qui se décrochent dans la salle. « Oui, c?est revenu. Mais notre prochain film sera une adaptation des Trois Stooges, pour toute la famille? Il n?y a pas de règles. »

…nilingus

C?est leur truc. Leur cascade la plus spectaculaire, le petit détail qui excite le plus leur imagination et nourrit le mieux leur inspiration. Dans <em>Kingpin</em>, la vieille logeuse répugnante de <strong>Woody Harrelson</strong> lui montre, geste à l?appui, la gâterie qui lui fera oublier les impayés? Geste à l?appui ? Elle fait les doigts de la victoire et agite sa langue comme une forcenée entre les deux. Inutile de dire que ça fait pas envie. Dans <em>Bon à tirer</em>, c?est <strong>Jason Sudeikis</strong> qui explique à <strong>Owen Wilson</strong> comment on peut faire semblant de lécher une fille quand on n?en a aucune envie : s?activer d?une main sur le clitoris, pendant que, de l?autre, on se fait babiller soi-même à grande vitesse. Inutile de dire que le déroulé du film l?oblige à joindre le geste à la parole? Et que ça ne fait pas envie non plus !!

Les duos

Depuis <em>Dumb & Dumber</em>, c?est la formule magique d?une bonne moitié des Farrelly movies. Il y a d?abord eu le couple <strong>Jim Carrey</strong>/ <strong>Jeff Daniels</strong> (<em>D&D</em>), puis la paire <strong>Woody Harrelson</strong> / <strong>Randy Quaid</strong> (dans <em>Kingpin</em>), le doublon <strong>Jim Carrey</strong> / <strong>Jim Carrey</strong> (dans Fou(s) d?Irene), les siamois <strong>Matt Damon</strong> / <strong>Greg Kinnear</strong> (dans Deux en un) et maintenant les amis <strong>Owen Wilson</strong> / <strong>Jason Sudeikis</strong>, formidable duo de quadra neuneu qui font beaucoup pour le charme de <em>Bon à tirer</em>. Owen le blond, avec sa raie sur le côté qu?on jurerait dessinée par Floch? et Sudeikis le brun, coupe en brosse et sourire niais, parfait concentré d?américanitude à la fois béate et frustrée. Quand à savoir si cette obsession est liée à a dynamique fraternelle de Peter et Bobby, ça paraissait tellement évident qu?on a oublié de leur poser la question?

La musique

<em>« C?est le moment que je préfère dans le processus de fabrication des films, »</em> explique Peter. <em>« Tu écris, tu castes, tu tournes, tu montes, mais c?est vraiment quand tu te mets à poser la musique sur les images que bing !, le film prend vie. »</em> Le style musical ? En gros des « road songs » à refrains, c?est-à-dire le plus souvent des chansons de country rock FM, susceptibles de s?écouter à tue tête en conduisant sur les petites routes de la Nouvelle Angleterre avec la fenêtre ouverte et un petit vent vivifiant dans les cheveux. <em>« Dans </em>Bon à tirer<em>, on a mis plein de chansons du groupe Deer Tick, qui vient du Rhode Island, comme nous. Ils sont de Providence et ils sont fantastiques. »</em> Plus encore que le genre de musique, c?est leur façon de les utiliser et de les placer sur les images qui définit le cinéma des Farrelly, un sentiment de redémarrage et de liberté à chaque changement de scènes, comme si tous leurs films étaient des road movies ensoleillés. Ce qu?ils sont d?ailleurs pratiquement tous? sauf <em>Bon à tirer</em>.

Décryptage des films des frères Farrelly

Les (grands) frères de la comédie caca prout américaine reviennent avec Bon à tirer, une mélancomédie sur deux quadras qui se voient offrir par leurs femmes une semaine de liberté où ils peuvent faire ce qu?ils veulent de leurs nuits et de leurs corps (à eux). Tordant, touchant, incroyablement juste, profondément humain, le film montre surtout que les frangins n?ont rien changé à leurs obsessions pour les bonnes meufs, les bonnes bières, le Rhode Island, les tubes country rock à tue tête et le cunnilingus comme motif de gag. Peter le jeunot nous présente les signes de reconnaissance d?un <em>Farrelly Flick</em>. Suivez le guide.Par Guillaume Bonnet.

Les gags

C?est la grande force des brothers, ce qui leur permet de faire la différence. Avec eux, l?intrigue et les personnages passent avant les gags, ce qui leur permet paradoxalement d?être encore plus drôles. <em>« Avant de faire notre premier film, on avait remarqué que la tendance générale de la comédie US était aux gags sans conséquence. Une scène se terminait sur un gag énauuurme, et dans la scène suivante, on faisait comme s?il ne s?était pas produit, comme dans un cartoon. On a voulu changer ça, parce qu?il nous semblait important qu?il y ait une vraie continuité, que les choses comptent pour de vrai. Si tu t?en fous des personnages, la mécanique du gag finit par s?épuiser. Si tu les aimes, en revanche, tu es en empathie avec eux, et tout devient beaucoup plus rigolo. »</em>

Les copains

Une des joies des Farrelly films est de retrouver des gueules connues, parfois même juste pour des caméos. Tous les vieux potes passent sur le tournage un jour ou l?autre et Peter et Bobby s?arrangent pour leur faire une place dans le film, comme on rajoute un couvert à table ou qu?on se serre dans le canapé. <em>« Oui, on a notre petite bande de copains qu?on a toujours plaisir à retrouver. » </em>Dans <em>Bon à tirer</em>, ces <em>usual suspects</em> sont un peu partout, avec mention spéciale à <strong>Rob Moran</strong>, somptueux en parvenu trop bronzé faisant visiter son nouveau manoir aux amis de son épouse avec un pull vert pomme sur les épaules. Sans oublier l?immense <strong>Richard Jenkins</strong>, formidable en quinqua de la « night » à la cool, se prenant pour un gamin hip hop.

Le Rhode Island

C?est leur cadre de vie, là d?où ils viennent, là où ils continuent de revendiquer leurs racines et où ils tournent la plupart de leurs films. <em>« On est catholiques et irlandais, mais c?est vraiment Cumberland, la petite ville où on a grandi, qui définit le plus notre identité. »</em> Typique paysage Nouvelle Angleterre, l?état du Rhode Island est le territoire parfait de l?« american way of life » d?inspiration 50?s, sans le côté bobo de New York, ni le côté beaubeauf de Los Angeles, l?Amérique éternelle des banlieues résidentielles, où les enfants grandissent en faisant du vélo dans les contre-allées avec une casquette de base-ball sur la tête avant de se marier avec leur copine de lycée et d?organiser des bons barbecues dans leur jardin, avec une bière à la main et? une casquette de base-ball sur la tête. Parfait.

Les (grands) frères de la comédie caca prout américaine reviennent avec Bon à tirer, une mélancomédie sur deux quadras qui se voient offrir par leurs femmes une semaine de liberté où ils peuvent faire ce qu’ils veulent de leurs nuits et de leurs corps (à eux). Tordant, touchant, incroyablement juste, profondément humain, le film montre surtout que les frangins n’ont rien changé à leurs obsessions pour les bonnes meufs, les bonnes bières, le Rhode Island, les tubes country rock à tue tête et le cunnilingus comme motif de gag. Peter le jeunot nous présente les signes de reconnaissance d’un Farrelly Flick. Suivez le guide.Par Léonard Haddad