La première star du festival de Cannes 2018 s'appelait Penélope Cruz. Avec Javier Bardem et Asghar Farhadi, le réalisateur d'Everybody Knows, elle avait ouvert les festivités, et était alors en couverture de Première.
Arte consacre sa soirée à la star espagnole : Everybody Knows, d'Asghar Farhadi, sera suivi d'un documentaire intitulé Penelope Cruz Les Reflets de la passion, déjà visible sur le site de la chaîne.
Voici un extrait de notre interview de Penélope Cruz, qui était en couverture du numéro 458, de mai 2018, pour patienter jusqu'à la diffusion de ce film dont elle a partagé l'affiche avec son mari Javier Bardem.
PREMIÈRE : Everybody Knows est votre premier film avec Asghar Farhadi. Qu’est-ce qui amène une superstar telle que vous à entrer dans son univers auteurisant ?
Penélope Cruz : Asghar m’a appelée pour ce film il y a quatre ou cinq ans. J’ai dit oui tout de suite, avant même de lire le script. J’adore ses films. Ces dernières années, j’ai tourné dans beaucoup de drames et quelques comédies – moins parce que c’est plus difficile à trouver une bonne comédie ! Mais Laura, mon personnage de Everybody Knows, a été le plus difficile à jouer. C’est une mère qui souffre. Durant les trois quarts du film, elle a l’air désespérée. Sa fille a disparu et j’ai dû puiser en moi des émotions douloureuses. Asghar voulait qu’on ait le sentiment de regarder un documentaire. Après chaque prise, on peut voir dans son regard s’il vous a trouvé honnête ou si vous mentez dans votre jeu. Il remarque tout. J’ai dû être le plus authentique possible.
Everybody Knows : Le show Cruz-Bardem [Critique]Comment avez-vous nourri ce rôle de mère dévastée ?
Tout a changé depuis que j’ai eu des enfants. Mais c’est vrai que, quand on regarde en arrière, j’ai déjà joué des rôles de mère, notamment dans Volver. Si je devais rejouer le personnage du film d’Almodóvar aujourd’hui, je ne crois pas que je l’interpréterais différemment : en un sens, je savais déjà, à l’époque, ce que serait ce sentiment maternel sans l’avoir réellement éprouvé. Je n’en connaissais pas toutes les subtilités mais je l’avais en moi, peut-être parce que je suis une de ces femmes qui savent qu’elles vont être maman depuis qu’elles ont 3 ou 4 ans. Mon instinct maternel a toujours été très développé ! (Rires.)
Comment gérez-vous, en tant qu’acteurs, d’être en couple à l’écran quand vous l’êtes aussi à la ville ? Ça n’embrouille pas trop les émotions ?
Ce n’est ni plus facile ni plus difficile. Il faut juste s’assurer que, à la fin de la journée, il n’y ait pas de sentiments mélangés entre la réalité et la fiction, savoir garder le respect mutuel. On a une manière de travailler très similaire avec Javier, on bosse tous les deux avec le même professeur de théâtre à Madrid, on aime préparer nos rôles très en amont. Et on essaie de séparer vie pro et vie privée même si, évidemment, il nous arrive de discuter de notre travail.
Cette chance, c’est aussi celle d’aller au Festival de Cannes, où le film de Farhadi ouvrira la sélection officielle. Mais vous êtes une habituée de la Croisette. Ça vous fait encore quelque chose ?
Je suis déjà venue six ou sept fois. Quand on a la chance d’être en compétition, il y a un côté casino. C’est un pari. On ne sait jamais vraiment comment le film va être accueilli. J’ai connu le bon aspect des choses, comme pour Volver ou Tout sur ma mère, mais j’ai aussi connu des accueils plus tièdes. Seule certitude : quoi qu’il arrive, la projection aura un impact dans le monde entier. Les réactions sont rapides, l’avenir du film se joue en grande partie à ce moment-là. J’aime beaucoup le film d’Asghar Farhadi mais on ne sait jamais !
Vous avez déjà reçu un prix en France cette année, avec votre César d’honneur. C’était très surprenant – et touchant – de vous voir si émue alors que vous avez déjà gagné beaucoup de récompenses.
C’était mon premier César, voilà pourquoi ! (Rires.) C’était très émouvant. Avec Pedro, Marion [Cotillard], mes proches, mes copains hispaniques à mes côtés... Voir ma mère devant moi et la remercier devant tous ces gens de ne pas s’être moqué de moi quand, un jour, gamine, je lui ai dit : « Maman, il n’y a pas de salle de cinéma près de chez nous mais je veux essayer d’être actrice. » Elle n’a pas ri, n’a pas essayé de calmer mes ardeurs. Mon père non plus. Ils m’ont laissée tenter le coup.
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