Le classique de Billy Wilder revient ce soir à la télévision.
Sorti en 1950, le chef d’œuvre de Billy Wilder est au programme ce soir de « Place au cinéma » sur France 5, présenté par Dominique Besnehard. Retour sur ce sommet du septième art et son regard impitoyable sur l’usine à rêves hollywoodienne
Par Thierry Cheze
Un mélange des genres
Une star du cinéma muet embauche un scénariste aux dents aussi longues que son compte en banque est vide en espérant réaliser le plus inattendu des comebacks. Un film sur le cinéma ? Une évidence. Un film noir ? Egalement car on découvre vite que le fameux scénariste est mort et qu’il va nous narrer en voix- off le récit, alors que son corps gît dans une piscine. Un film fantastique ? Tout autant grâce à la fascinante atmosphère mortifère que réussit ici à créer Billy Wilder, grand maître de la comédie (Certains l’aiment chaud…) à son sommet dans ce mélange des genres façon feu d’artifices.
Des refus en cascade
En se lançant dans ce projet, Wilder avait une obsession majeure. Celle du réalisme. A commencer par le choix de celle qui incarnerait son héroïne et ne pouvait être à ses yeux qu’une star du muet. Mais il se heurta alors à une succession de refus pour des raisons diverses et variées. Mae West se jugea trop jeune. Mary Pickford a craint que Boulevard du Crépuscule ne ternisse à jamais son image. Pola Negri fit une crise à l’idée de jouer une has been. Et Greta Garbo ne fut pas encline à revenir devant des caméras de cinéma qu’elle avait choisi de fuir 9 ans plus tôt. Mais rien ne découragea Billy Wilder. Qui, sur les conseils de George Cukor, osa tenter sa chance auprès de celle qu’il jugeait pourtant la plus inaccessible de toutes : Gloria Swanson. Superstar du muet que l’arrivée du parlant poussa vers la « retraite » en 1934 à tout juste 35 ans, elle faillit elle aussi passer son tour, outrée à l’idée que Cukor veuille lui faire passer une audition. Avant que Cukor ne trouve les mots pour la convaincre et qu’elle se retrouve dans la peau d’un des plus beaux personnages de sa prestigieuse carrière.
Un désistement de dernière minute
Le casting de Boulevard du crépuscule ne fut décidément pas de tout repos. Pour tenir le rôle du scénariste en charge de relancer la carrière de la star du muet, Billy Wilder avait choisi Montgomery Clift qui venait de rencontrer ses premiers succès personnels avec Les anges marqués de Fred Zinnemann et L’héritière de William Wyler. Or celui- ci déclina pour des raisons bien éloignées de son avis sur le scénario ou le personnage. Il avait simplement peur que sa liaison à l’écran avec une femme de 20 ans son aînée ne pousse la presse à scandales à s’intéresser à celle – cachée - à la ville avec la chanteuse Libby Holman… 16 ans plus âgée que lui.
La lutte contre la censure
Dans ce début des années 50 à Hollywood, la censure règne en maître avec le fameux Code Hays. Billy Wilder et ses co- scénaristes Charles Brackett et D.M. Marshman Jr. ont donc usé de subterfuges face aux hommes de la Paramount qui les produisait. D’abord en leur jurant leurs grand dieux qu’ils adaptaient une histoire préexistante – et qui bien entendu n’existait pas - : Une boîte de haricots. Puis, en prenant soin de leur divulguer le scénario page après page pour que personne à la Paramount ne puisse avoir le script dans son entier avant le premier clap. Au point que seul un tiers de celui- ci n’était réellement achevé quand a débuté le tournage et que Wilder ne décida de la fin de son récit que pendant celui- ci.
Hollywood entre amour et haine
La Paramount n’était pas dupe. En choisissant d’organiser la première de Boulevard du crépuscule à Poughkeepsie dans l’Etat de New- York, elle souhaitait se prémunir par avance des mauvaises ondes hollywoodiennes. A raison. Acclamée par la critique, cette charge contre la pseudo industrie à rêves ne fut guère en cour dans la profession. Et ce jusqu’aux Oscars où en dépit de 11 nominations – et face à la redoutable concurrence, il est vrai, du Eve de Mankiewicz – Boulevard du crépuscule ne repartit qu’avec trois statuettes : scénario, direction artistique en noir et blanc et musique. Et à la surprise générale, Judy Holliday fut sacrée meilleure actrice pour Comment l’esprit vient aux femmes… de Cukor face donc à Gloria Swanson que ce dernier avait poussé à accepter ce chef d’œuvre. C’est ce qu’on appelle un clin d’œil du destin.
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