On fait le point sur les influences SF du merveilleux quatrième film de Jeff Nichols.
Rencontres du troisième type (Steven Spielberg, 1977)
On a beaucoup comparé Jeff Nichols à Terrence Malick, mais, dès son deuxième long Take Shelter (l’histoire d’un père de famille dérangé par d'étranges « visions »), il était évident que le jeune prodige de l’Arkansas faisait une petite fixette sur Spielberg en général, et sur Rencontres du troisième type en particulier. Une référence assumée par le cinéaste dans toutes ses interviews. Difficile de faire autrement : il est question dans Midnight Special d’un papa poule qui trace la route vers une inquiétante terre promise, de l’irruption du surnaturel au cœur de l’Amérique profonde, d'un gentil scientifique dont le patronyme français (Paul Sevier) résonne comme un lointain écho du Claude Lacombe joué par François Truffaut... Toute ressemblance avec le chef-d’œuvre de Steven Spielberg ne serait pas (mais alors pas du tout) une coïncidence.
E.T. (Steven Spielberg, 1982)
Spielberg, encore et toujours. L’un des premiers plans de Midnight Special (le petit Alton caché sous un drap blanc) est un clin d'oeil évident à E.T.. Déjà, Mud, le précédent film de Nichols, était un remake inavoué du classique de Spielby sur les rives du Mississipi, avec Matthew McConaughey dans le rôle de l’alien hors-la-loi traqué par les méchants, protégé par une poignée de gamins aventureux. E.T. est aussi l’un des prototypes du sous-genre « government sci-fi chase film » (film de course-poursuite avec le gouvernement), revendiqué par Nichols, dont le Starman de John Carpenter (starring Jeff Bridges en extra-terrestre sexy qui taille la route vers l'Arizona avec le FBI aux fesses) est l'emblème 80's absolu : coolitude, grands sentiments, lens flares et chemises à carreaux.
Super 8 (J.J. Abrams, 2011)
A propos de lens flares… Jeff Nichols orchestre ouvertement dans Midnight Special un dialogue entre la science-fiction 80’s et aujourd’hui. Il faut dire que c’est l’une des occupations préférées de pas mal de cinéastes de sa génération, nés grosso modo entre 1960 et 1980, biberonnés aux prod' Amblin. Le Brad Bird de Tomorrowland, le Neill Blomkamp de Chappie, le Michael Bay de Transformers… Et bien sûr le J.J. Abrams de Super 8, ce sublime néo-Explorers plein de kids en BMX qui regardent vers les étoiles les yeux écarquillés. Une nuance de taille néanmoins entre Nichols et Abrams : Super 8 était une pure madeleine de cinéma, qui cherchait à ramener son spectateur 30 ans en arrière. Un film des années 2010 propulsé dans les années 80. Midnight Special, lui, fait le chemin inverse. Comme un film des années 80 qui se déroulerait en 2016.
Le Garçon aux cheveux verts (Joseph Losey, 1948)
Un petit garçon aux cheveux verts essaie de comprendre pourquoi tout le monde le regarde de travers… Pas de la science-fiction à proprement parler, non, plutôt du fantastique pré-Twilight Zone. L’un des chefs-d’œuvre de Losey, une allégorie du racisme dans l’Amérique de l’après-guerre, et la matrice secrète de toute une lignée d’enfants-lumière, bizarres, étranges, dérangeants ou bouleversants, du Village des Damnés à Shining et aujourd'hui Midnight Special.
Superman (Richard Donner, 1978)
« Papa, c’est quoi la kryptonite ? » Le nez dans ses comics à l’arrière d’une Ford Mustang qui fend la nuit, le petit Alton se pose les bonnes questions. Midnight Special s'affirme d'emblée comme une relecture sudiste et « matter-of-fact » (terre à terre, pragmatique) du mythe de Superman. Une histoire de premier contact sur fond d’Americana, déroulant minutieusement toute une mythologie de champs de blé et de ciels étoilés, qui ressemblerait presque par moment à un croisement entre deux grands Shyamalan (Incassable et Signes) mais renvoie surtout au séminal Superman de Richard Donner. Dans le genre, on n'a jamais fait mieux. Quant au fait que le papa du petit garçon magique soit incarné par le général Zod de Man of Steel (Michael Shannon), ça, c’est peut-être vraiment une coïncidence...
Midnight Special sort le 16 mars. Bande-annonce :
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