Catherine Deneuve a 80 ans : 10 pépites de sa filmographie 
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Retour sur quelques oeuvres "bis" mais marquantes de la carrière de l’icône française.

Catherine Deneuve est une immense actrice. Elle a tourné avec les plus grands, de Jacques Demy à François Truffaut, en passant par Luis Buñuel, Roman Polanski, Agnès Varda, Robert Aldrich, Jean-Pierre Melville, Hirokazu Kore-eda, Lars von Trier et bien d’autres. Une carrière exemplaire jalonnée de succès et de récompenses prestigieuses : deux César de la meilleure actrice, et un prix d'interprétation ou d'honneur dans les trois plus grands festivals de cinéma : Cannes, Venise et Berlin.

Pour célébrer la Reine Catherine, qui fête aujourd’hui ses 80 printemps, on aurait pu revenir sur ses rôles incontournables, mais on a préféré se pencher sur la filmographie "bis" de cette comédienne caméléon, à l’aise dans tous les types de personnages et tous les genres. L’occasion de vous faire découvrir quelques pépites méconnues qui valent le détour.

Arte démarre ce soir son cycle sur Catherine Deneuve

Ames perdues de Dino Risi (1977) 

Au cinéma, Venise, suscite presque toujours chez les cinéastes un fantasme mortifère. Les vieux palais décatis dont le prestige ne tient qu’à une mémoire vacillante, sont des tombeaux. Quant aux rues, elles forment un labyrinthe mental sans issu. Ici Risi, qui rit peu, enferme Gassman et Deneuve dans une gigantesque maison poussiéreuse. Le couple entretient l’illusion d’une vie bourgeoise longtemps éteinte. En fait, il se pourrait bien qu’ils s’agissent de fantômes. Un jeune homme pousse des portes qu’il ne devrait pas pousser, Deneuve parle dans un italien qui n’est pas le sien et Gassman, giallesque, éructe dans sa langue maternelle. Etrange et dément. 

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Ames Perdues
Les Acacias

Les créatures d’Agnès Varda (1966) 

« J'ai été une créature amicale. J'ai tourné en participation par amitié pour Agnès parce que c'était un film assez étrange. Je jouais une créature muette. J'étais la femme de Piccoli », explique Deneuve à la revue Ecran en 1978. Sauf que Les Créatures se sont faites dévorer par la presse de l’époque, façonnant le rapport distant que l’actrice entretiendra par la suite avec les plumitifs : « … je préfère ne pas en parler, car cela me rendrait très agressive à l'égard de gens qui font de la critique de façon très méprisable... » Nous, on a revu Les Créatures. Force est de constater que Deneuve ne pipe mot et que le film, errance sur l’île de Noirmoutier d’un écrivain en manque d’inspiration, est pas mal du tout.

Les Créatures
Ciné Tamaris

Liza de Marco Ferreri (1972)

A l’international, comme en France, l’un des rôles les plus emblématiques de Deneuve reste celui de Belle de jour (Luis Buñuel, 1967) Un personnage extrême où la jeune Deneuve (24 ans) parvient à suggérer l’abandon dans la retenue. « Buñuel n’a pas montré le bout d’un sein, se souvenait le coscénariste du film Jean-Claude Carrière. Deneuve avait peur qu’il l’entraîne dans des délires surréalistes mais ils ont convenu ensemble que tout devait être traité avec sagesse. Elle s’est fondue dans cet esprit avec intelligence. » Marco Ferreri, qui la fera tourner quatre ans plus tard dans ce Liza, prendra moins de pincettes. Deneuve en tenue d’Eve sur une île avec Mastroianni joue les « chiennes » au sens propre pour reconquérir son compagnon. L’actrice, soudain animale, redevient fatale. Tout ça finira mal.

Liza de Marco Ferreri
Lira Films

La Cité des dangers de Robert Aldrich (1975) 

Burt Reynolds qui n’avait sûrement pas vu les Truffaut, Demy ou Buñuel, aurait posé une seule condition à Robert Aldrich pour sa Cité des dangers : « Je ferai le film si tu m’obtiens “Mademoiselle Chanel” pour le rôle. » Deneuve joue ici une prostituée maquée à un flic (Reynolds donc, qui passe son temps à déshabiller du regard la française) englué dans une enquête criminelle où le sexe – tiens donc ! - a son importance. L’intrigue est aussi mince que la chevelure de Deneuve est épaisse. En bande son, Aznavour roucoule en VO.

La Cité des dangers de Robert Aldrich (1975)
Paramount Pictures

Il était une fois la légion de Dick Richards (1977)

Mauvais souvenir de tournage pour Deneuve, paraît-il, un peu paumée au milieu de ce film de guerre qui sent bon le sable chaud et l’europudding seventies (Terence Hill, Gene Hackman, Max Von Sydow, Rufus, Ian Holm… il y a même Liliane Rovère). De fait, ce film qui voudrait être l’héritier de Lawrence d’Arabie (pour le désert et la musique de Maurice Jarre) et des Sentiers de la gloire, le tout vendu en France comme un Leone, a mieux vieilli qu’on ne pourrait croire -même si son antimilitarisme affiché se transforme brutalement à la fin en ode à l’armée. Et puis, cela permet de faire le point sur l’aura Deneuve à l’international : on remarque qu’il suffit de la lâcher au beau milieu du désert pour que tout le monde tourne subitement autour d’elle. On se satisfait de ça : la guerre, le désert, un bon thème musical de Jarre, Catherine Deneuve… C’est chouette, le cinéma, quand même.

Il était une fois la légion
Columbia Pictures

Ca n'arrive qu'aux autres de Nadine Trintignant (1971)

Peu après le décès brutal à 9 mois de Pauline, la fille qu’elle a eue avec Jean- Louis Trintignant, Nadine Trintignant signe ce film déchirant sur la mort d’un nourrisson comme pour exorciser la tragédie qu’elle a vécu. Catherine Deneuve incarne cette mère brisée et a suggéré un certain Marcello Mastroianni qu’elle venait de rencontrer pour incarner son amour à l’écran. Ce sera leur premier film de leurs quatre films en commun, celui où leur histoire d’amour naîtra.

Ça n'arrive qu'aux autres
Capture d’écran YouTube/Les films 13

Généalogies d’un crime de Raoul Ruiz (1997)

Dans ce thriller psychologique inspiré par l’affaire Hermine Hug-Hellmuth, pionnière de la psychanalyse assassinée en 1924 par son neveu de 18 ans, Catherine Deneuve joue un double rôle : une avocate et sa tante… dont elle accepte de défendre l’assassin présumé. Dominée par un humour macabre et surréaliste, la première de ses deux collaborations avec le cinéaste franco- chilien (avant Le Temps retrouvé) a été primée par un Ours d’Argent au festival de Berlin.

Généalogie d'un crime
Studio Canal

La Chamade de Alain Cavalier (1968) 

Catherine Deneuve rayonne en jeune femme vénale qui quitte son amant plein aux as (Michel Piccoli) pour un jeune intellectuel (Roger Van Hool) avec lequel la passion des premiers temps va vite laisser la place à la routine ennuyeuse. Une adaptation du roman éponyme écrit trois ans plus tôt par Françoise Sagan et qui vaut à Alain Cavalier sa première grande reconnaissance publique.

La Chamade
Les Artistes Associés

Le Tout nouveau testament de Jaco van Dormael (2015)

Une gestion de carrière pépère, en se reposant ses acquis, très peu pour elle. Dans ce conte bien secoué où Dieu vit à Bruxelles et voit sa fille se rebeller contre son comportement odieux, Catherine Deneuve incarne une femme amoureuse… d'un gorille qui remplace son mari dans le lit conjugal. « Sur le plateau, rien ne lui fait peur », confiait alors Jaco van Dormael qui avait eu l’idée de lui confier ce rôle en voyant son engagement passionné dans les débats sur le mariage pour tous.

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Le Tout nouveau testament de Jaco van Dormael
Le Pacte

Je veux voir de Khalil Joreige et Joana Hadjithomas (2008)

Que peut le cinéma face aux tragédies du monde ? Khalil Joreige et Joana Hadjithomas essaient de trouver une réponse concrète à cette question en entraînant avec eux celle qui symbolise à leurs yeux le septième art – Catherine Deneuve – en juillet 2006 dans un périple au cœur d’un Liban déchiré par un nouvelle guerre. Et la comédienne évolue avec superbe sur cette ligne de crête entre documentaire et fiction, entre message de paix et inventaire tragique des destructions. Un film qui résonne fort avec ce que nous traversons actuellement.

Je veux voir
Shellac