Toutes les critiques de Wajib : l'invitation au mariage

Les critiques de Première

  1. Première
    par Damien Leblanc

    En suivant le trajet en voiture d’un professeur divorcé qui s’en va distribuer en mains propres - et conformément à la tradition palestinienne du « wajib » - les invitations au mariage de sa fille, accompagné de son fils (architecte trentenaire parti vivre à Rome), le troisième long métrage d’Annemarie Jacir dresse un saisissant portrait de l’actuelle ville de Nazareth : appartenant à l’État d’Israël mais peuplée de Palestiniens chrétiens et musulmans, la cité apparaît ici pleine d’exaspérations sociales, de promiscuité menaçante mais aussi de vitalité démographique. Au cœur de ces tensions habilement retranscrites par la mise en scène, la réalisatrice (révélée en 2008 avec Le Sel de la mer) s’appuie d’abord beaucoup sur les dialogues pour exhiber les oppositions politiques et générationnelles qui séparent ce père et ce fils réunis le temps de quelques jours ; puis le truculent sens des situations tragi-comiques finit par rendre vibrantes les souffrances enfouies de cette famille qui ne peut pas faire abstraction de l’Histoire récente si tourmentée de la Palestine. Et c’est par la grâce de prodigieux acteurs que la lucidité et la franchise l’emportent sur les non-dits. Père et fils associés pour la première fois à l’écran, Mohamad Bakri (qui a démarré il y a 35 ans dans Hanna K. de Costa-Gavras) et Saleh Bakri (déjà brillant chez Elia Suleiman ou Radu Mihaileanu) donnent ainsi tout son mordant à cette délicate chronique du déchirement des âmes palestiniennes d’aujourd’hui.