- Fluctuat
Longtemps je me suis méfiée des prix Pulitzer et autres best-sellers. Ils sont entourés d'un nuage d'hommages et de révérences qui les rendent un peu suspects. Quand ils sont l'objet d'une adaptation cinématographique on ne peut s'empêcher de penser qu'il y a du commercial là dedans, de l'argent facile en perspective.
Voilà donc un film fait pour Frank McCourt, pour qu'il soit content, qu'il soit récompensé de sa misérable vie " le plus important était (qu'il) aime ce qu'il voyait " déclarait le réalisateur. Nous voilà prévenus. Ce n'est pas très gentil de nous faire déplacer pour si peu de volonté cinématographique.Ainsi cette dévotion imprègne tout le film. Le scénario est lourd, sans une réelle volonté d'auteur de reprendre un matériau existant et d'en faire quelque chose de nouveau. Bien qu'il ait essayé d'alléger les situations qui pouvaient paraître sinistres, Alan Parker plombe son film d'un misérabilisme à toute épreuve.Frank est l'aîné d'une famille pauvre originaire du Nord de L'Irlande, qui revient sur les terres du Sud après un bref passage aux Etats-Unis. Le père est alcoolique, il n'a pas de travail pour nourrir les nombreuses bouches de la maison et cet enfant devra grandir tant bien que mal dans un univers à la Zola. Pendant la première demi-heure on assiste à la mort en chaîne de trois enfants souffrant de froid, de malnutrition ou de maladies rapides à attraper dans ces banlieues désolées. Il y a là quelque chose de gênant parce qu'on en vient à ne plus rien éprouver face à ces petits corps sans vie. Nos larmes trop sollicitées ne coulent pas d'elles-mêmes. Emily Watson elle-même relate ce malaise quand elle parle du tournage du film : " A la fin d'une journée de travail, Alan vous lance "Bon Boulot !'' mais vous sentez que quelque chose ne va pas, qu'il s'est produit un drame horrible. Et soudain vous réalisez "Ah oui, aujourd'hui mon bébé est mort.'' Ainsi les jours ne seront jamais meilleurs, la moindre petite note d'espoir étant bien vite assombrie par un contrepoint dramatique. Même les bons sentiments qu'éprouvent les personnages secondaires ressemblent à de la pitié mal placée.Au milieu de ce film empesé, emprunté, aux soleils couchants et éclipses de lunes trop beaux pour être vrais, seul le propos sur la religion est intrigant. En effet il est peu habituel de voir une telle critique du schisme irlandais.A l'image du petit Frank qui déclare, parlant de ses maîtres d'école : " Ils vous battaient si vous ne saviez pas que Dieu a créé le monde, si vous riiez, si vous pleuriez, si vous ne saviez pas vos prières, si vous ne saviez pas que Michael Collins était l'homme le plus formidable au monde. " Montrant les ridicules d'une religion empesées et sectaire, Parker trouve un coupable facile. Quand on connaît la situation politique d'un pays toujours sur la brèche d'un cessez-le-feu, d'un pays en guerre contre ses colons protestants et anglais depuis de nombreuses années, on peut trouver ça très dérangeant.Les Cendres d'Angela
de Alan Parker
Avec Emily Watson - Robert Carlyle - Joe Breen - Clara Owens
USA - 2h28 - 1999
Les cendres d'angela