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Si la liberté de ton de Resnais n’en finit pas de fasciner tout comme sa connaissance inouïe du cinéma, de son histoire (la liste des références présentes dans ce film serait longue : Sirk, le film noir, un certain Alain Resnais...) et de ses procédés (ce n’est pas pour rien qu’il est le grand déconstructeur/réinventeur du processus narratif), ses Herbes folles, malgré leur charme, chatouillent plus qu’elles ne font sourire. La faute au côté trop forcé de tout cela : la légèreté (celle des acteurs comme celle de l’intrigue) ne se commande pas, ou plutôt si, mais il ne faut pas que cela se remarque.
Toutes les critiques de Les Herbes folles
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Cette puissante remontée de sève - c'est ce qui rend ce film si troublant - est discrètement mais intimement mêlée à l'ombre portée de la mort. Ses signes sont partout. Dans la voix du narrateur omniscient (Edouard Baer) qui nous raconte cette histoire avec le détachement de celui qui connaît la fin de toutes choses.[...] Il faut le dire avec infiniment de tact et de circonspection, mais ce film dont le génie consiste à avoir un pied dans l'enfance et un autre dans la tombe ressemble à un adieu d'une folle élégance, d'une bouleversante sérénité.
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On savait Resnais toujours au sommet, mais Les Herbes folles, par leur fougue jazzy autant que cette lueur désenchantée qui semble toujours sur le point de percer le voile irréel des plans, dépassent tout ce qu'on pouvait attendre du réalisateur de Providence. Pendant qu'Haneke marine dans son jus, il faut évidemment se précipiter sur cette pépite.
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Les Herbes folles est un film plus drôle, moins noir que le précédent Cœurs, le film n’en est pas moins extrêmement émouvant.
D’autant plus qu’à cette étude aimante du dysfonctionnement de nos émotions se joint une déclaration d’amour exaltée pour la puissance d’évocation du cinéma : “cinéma”, en lettres de néon rouge au fronton d’une salle de quartier, éclate plein cadre au détour d’une scène ; les roulements de tambour et de cuivres du vieux jingle de la MGM accompagnent un baiser filmé comme un climax à l’ancienne… La jubilation à faire du cinéma traverse de toutes parts ces Herbes folles. L’entomologiste n’est pas seulement tombé follement amoureux de ses souris de laboratoire, mais aussi de l’outil avec lequel il les étudie. -
D’un point de vue purement formel, c’est également un régal. On retrouve les circonvolutions hypnotiques habituelles d’une caméra parfois tremblante, en accord avec l’esthétique claudicante évoquée plus haut. L’appel de l’air final est souligné tout au long du film par de magnifiques prises de vue en plongée qui fondent sur les personnages comme sur des proies. Bien sûr, beaucoup seront déboussolés et insensibles à tous ces charmes. Ils resteront cloués sur le tarmac tandis que les autres se délecteront de ces envolées parfois surréalistes. C’est le prix à payer pour ce magistral numéro de haute voltige.
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On sent qu'avec cette comédie d'amour inquiète, élégante et fantaisiste, Alain Resnais s'amuse à tordre le coup de sa propre grammaire cinématographique. [...] Le tout avec un plaisir communicatif et quasi primesautier. [...] La cohérence est si forte chez Resnais qu'il boucle même la boucle de son cinéma: qu'on se rappelle les herbes folles poussées sur les rails des camps de concentration aux derniers plans de Nuit et Brouillard. Quel Looping!
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Film de la petite voix qui parle en nous, film du cortex plus que des sentiments, film du fantasme sur l'inconnu plutôt que sur l'identité d'une inconnue, les Herbes folles semble aussi accompagner ses personnages vers leur libération, c'est à dire prendre le parti de leur folie, dans les voiles de laquelle Resnais ne cesse de souffler, organisant la fuite verticale, toujours ascensionnelle de ses héros désaxés.
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Herbes folles, ces personnages au comportement erratique qui nous font passer de la légèreté ludique à une sourde menace, des contretemps du vaudeville à de soudains dérapages vers le fantastique. Avec des acteurs fascinant, Azéma et Dussollier en tête, Alain Resnais signe une comédie brillante et inquiète sur le désir, au chromatisme raffiné et aux pulsations jazzy.
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(..) il y a chez Resnais une vision, une vision qui le porte vers des images qu'on ne peut décrire, qui nous échappent, qui ne lui appartiennent même plus, et qui sont peut-être, tout simplement, un au-delà dont il dépose un peu de poudre sur nos yeux, le temps d'une ultime syncope : rochers, jardins, cimetière - remplissez les blancs. Après, on peut bien passer un film entier à se demander ce qu'il y a dans la tête de Palet ou d'un autre, amour, danger, prémonitions ou simplement : panache, mixture.
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Il a choisi un livre titré L'Incident, auquel il se montre, oui, très fidèle, en un sens. [...] Pourquoi ne pas garder le titre original, comme tout le monde ? Pourquoi Les Herbes folles ? C'est tout simplement le résumé poétique de ce qui intéresse Alain Resnais dans cette histoire : les conduites imprévisibles, déraisonnables, aberrantes, des personnages. Autant dire le fil rouge de toute son oeuvre à lui. [...] ce feu d'artifice de coq-à-l'âne, de fausses fins, ironiques ou farcesques, agencées selon la seule logique du rêve ou du cauchemar.
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Ala tête d'une distribution impressionnante, Maître Resnais multiplie les saynètes savoureuses sans oublier de bâtir un film. (...) L'œuvre fascinante d'un artiste libre à l'imaginaire foisonnant, accompagnée par la voix malicieuse d'un complice-narrateur nommé Edouard Baer.
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Les Herbes Folles est un bel hommage aux contradictions de l'homme, soumis à ses pulsions, des instincts sans queue ni tête, des sentiments forts et fugaces. Au milieu de ces allers-retours incessants entre le "je te suis" et le "je te fuis", surgit parfois un peu de tendresse, beaucoup de surprise.
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Comédie surréaliste avec son lot d'absurdités, le nouvel opus d'Alain Resnais se révèle d'une grande modernité. Les dialogues sont drôles et percutants. L'éternel couple Sabine Azéma - André Dussollier fonctionne à merveille.
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Sur cette trame simplissime comme un coup de dès, Resnais, salué par le Prix Spécial du jury à Cannes, joue avec les pulsions, les fantasmes, les ratés des ses personnages et les compositions savoureuses de ses acteurs, dont André Dussollier, excellentissime. Divertissant, d'une grande liberté, grave et loufoque à la fois.
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S'il est vrai qu'est perdue, explicitement perdue, la coïncidence qui lie l'histoire à ses personnages; à sa représentation, à son style, si cette perte laisse quelques regrets, les coups manqués sont des coups de théâtre si surprenants, les décisions ravalées ou injustifiables sont traitées avec tant de vigueur, les colères font si forte impression que l'aspect brimbalant de la mise en oeuvre filmique ne combat jamais une croyance qui se sait pourtant trompeuse.
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Les sensations divergent, voguant d'une inquiétante étrangeté de faux thriller aux envolées fantaisistes empruntées à la comédie (on notera l'intrusion souvent drôle d'Amalric et Vuillermoz dans l'univers du cinéaste), pour finir sur une romance à la conclusion cruelle et amusée. Avec ses couches d'espace-temps et de regards mélangées, Resnais livre un véritable ride bariolé d'émotions diverses, à la fois juvéniles et faussement séniles, mélancoliques et vivantes. Formellement, tout cela est d'une richesse évidente, parfaitement maîtrisé dans son concert volontiers heurté aux accents de jazz (d'où vient justement Gailly). Mais, pourtant, sans vouloir cracher dans une soupe plutôt bien assaisonnée, l'impression aussi que Resnais récite son petit Deleuze illustré.
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On y croise des jambes de femmes et des baisers en Technicolor, des voltiges aériennes et des phrases qui claquent, des tours de pierre et des cimetières. Le film – prix exceptionnel du jury à Cannes – n’est pas toujours poli d’eau claire, mais ne cesse de clamer sa foi dans le pouvoir du cinéma. Ces "Herbes folles" ont bien du chien.
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Une histoire pétillante et acidulée, souvent absurde, que Resnais raconte en toute liberté, très à son affaire dès lors qu'il malmène la grammaire du cinéma, comme ces herbes folles surgissant sans prévenir personne dans les rides d'un vieux goudron. Il s'amuse en garnement intelligent et conscient de tout, sûrement même de l'abandon absolu du sujet au profit d'une forme évidemment maîtrisée, mais dont on eût souhaité qu'elle fût davantage soutenue par un propos qui, mine de rien, se défile lentement, jusqu'à en oublier ses propres enjeux.
Ce n'est bien sûr pas la première fois que Resnais distord son récit comme une crêpe, jouant de ruptures et de dérapages contrôlés, et j'ai en mémoire l'immense Providence, l'étrange La vie est un roman, l'étonnant Smoking/No smoking, films dotés d'une épaisseur dramatique roborative, que je cherche vainement ici. Resnais s'en fout et, après tout, il en a le droit. Il est jeune. Il a le temps.
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Les herbes folles», qui a fait les délices du dernier festival de Cannes, prouve, par son côté totalement allumé et rocambolesque, qu'Alain Resnais, 87 ans, demeure le plus vert et le plus audacieux de nos cinéastes. Le film, exaltant, offre un duo savoureux entre une Sabine Azéma ébouriffante et un André Dussollier agité au possible, intrigant, tonitruant.
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Les années passent et le bonifient comme jamais. A 87 ans, Alain Resnais impressionne par sa fraîcheur et sa créativité. Maniant l’humour autant que la surprise.(...) Cette fantaisie à tiroirs, piquée de références à tout ce que Resnais aime, oscille entre comédie et gravité existentielle.
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Quel est le problème des Herbes folles ? Un talent fou mis au service d'un sujet riquiqui. Grand conteur, grand filmeur, Alain Resnais sait truffer son récit de rimes visuelles, de symboles récurrents, mais à quel usage ? Moins un éloge de l'amour fou, façon surréaliste, que le récit d'une historiette improbable : le dernier coup de foudre de deux inconnus qui s'unissent jusqu'à la mort, petite ou grande. On aimerait être ému, on est juste incrédule.[...] Ce cinéma de laboratoire, dont on jurerait que le tournage, avec la maîtrise qu'il nécessite, est la vraie finalité, laisse au bord de l'expérience : curieux, mais frustré.