- Fluctuat
Vingt-cinq ans avant la Révolution française, alors que toutes les autorités traditionnelles, celle de la religion, celle de la hiérarchie aristocratique, marchent inexorablement vers une fin qu'elles voient venir, la province du Gévaudan est le théâtre d'un mystère qui va bientôt passionner tout le royaume.
La mort, avec une incomparable brutalité, frappe des femmes et des enfants sans qu'on sache d'où elle vient, où elle va ni quel est son visage. Grégoire de Fronsac (Samuel Le Bihan) et son frère de sang Mani (Mark Dacascos), un indien Mohawk, sont envoyés sur les lieux, reçus chez le Conte De Morangias (Jean Yanne), pour faire la lumière sur cette affaire. Il faut calmer les esprits qui commencent à s'échauffer sous l'effet d'une crainte sans nom. Le Pacte des loups raconte la progression de la lumière. Progression d'autant plus ardue que ces morts ne sont le fruit d'aucun mystère mais plutôt d'une machination, d'une conspiration destinée à affermir le pouvoir royal en maintenant le peuple dans la crainte et dans l'ignorance.Il y a dans le film de Christophe Gans une réelle et généreuse ambition. Un mouvement ample court sur cette histoire de la fin d'un monde, couve sous les images de la mort qui rôde. Gans met en scène un impossible où se perdre, les derniers éclats du grand feu sacré et superstitieux dans lequel l'humanité occidentale a baigné pendant des siècles. On ne peut que lui être gré d'avoir voulu, somptueusement, nous offrir cette étrange lueur.
Cependant, si la superproduction a ceci de subtil qu'elle joue, en conscience, sur de l'invisible, cela ne suffit pas à tenir le film dans son ensemble. Il arrive que, par une sorte de lassitude de notre désir de fiction, à la longue (2h22), le scénario paraisse bancal. La mort, la bête, à laquelle Gans donne à la fois le rôle principal et la place de l'impossible, du surhumain, du trouble inapaisable, se fige au lieu d'être domptée, sous la patte du réalisateur, en une marionnette froide dont il n'aura pas su, véritablement, faire une complice. Il aurait fallu être un "maître" lyrique, un Kubrick, ou romantique, un Burton, pour accomplir le tour de force de montrer à la fois la technique à l'oeuvre : la belle image, les bons acteurs, l'impressionnant effet spécial ; et la profondeur du réel, de l'expérience humaine que trame la narration.Christophe Gans est dépassé par son sujet, écrasé par son ambition. Son film, pour finir, laisse une impression de lâche complaisance à l'égard des codes multiples au milieu desquels il évolue. Ceux des différents genres qui s'y mêlent, l'historique, le fantastique, le film de combat. Mais aussi bien ceux de la superproduction, du devoir de rendement auquel il sacrifie, nous faisant sentir à chaque plan, vivante, l'intention de ratisser large dans le champ des spectateurs de tous poils. Cela donne tout de même la surprise d'un film qui, à force d'apprêts maladroits, touche à la bouffonnerie. Ainsi, si vous y allez et si, comme moi, vous vous en fatiguez au bout d'une heure trente, il serait cependant dommage que vous partiez avant la séquence finale. Elle vous réserve l'image hilarante d'un Jean-François de Morangias (Vincent Cassel), découvrant un sabre monté sur son corps comme un diamant sur une bague, en phallus gigantesque.Le Pacte des loups
De Christophe Gans
Avec Samuel Le Bihan, Mark Dacascos, Emilie Dequenne
France, 2001, 2h22.