Première
par Vanina Arrighi de Casanova
Portrait cynique, implacable et touchant d’un homme médiocre à la dérive dans notre ère de misère sociale, où les centaines d’amis Facebook ne brisent en rien la plus profonde solitude, La Vie très privée de monsieur Sim avait, sous la plume de Jonathan Coe, la portée froidement critique de la société britannique que renferme toute l’œuvre de l’écrivain. Sans négliger totalement la nature parabolique de l’histoire dans son adaptation, Michel Leclerc ressert la focale sur l’étude de caractère, d’autant plus nettement qu’il remet son antihéros entre les mains du taciturne Jean-Pierre Bacri, dont le choix est d’une rare évidence. Pour le réalisateur du Nom des gens, l’éternel ronchon du cinéma français, passé maître dans l’art du cynisme, élargit un peu sa palette émotive et parvient à faire de l’ennuyeux monsieur Sim un homme subtilement mais simplement bouleversant. Il donne vie à ce quinqua en crise qui prend la tangente au volant de sa Renault rutilante, équipée d’un GPS dernier cri avec qui il noue une relation affective déprimante, et qui choisit de visiter son passé plutôt que de vendre des brosses à dents révolutionnaires. Ballade mélancolique, road-trip halluciné et initiatique, exploration profonde de la solitude, l’amer et sincère ...monsieur Sim est surtout un beau voyage des ténèbres vers la lumière.