Première
par Frédéric Foubert
Aucune révélation sur la saison 3 de Twin Peaks n’est au menu de ce documentaire, néanmoins indispensable à tout fan de David Lynch qui se respecte. Depuis sa maison-atelier des hauteurs de Hollywood, sa superbe crinière blanche émergeant de la fumée des clopes qu’il fume à la chaîne, le réalisateur de Blue Velvet et Lost Highway se confie ici comme rarement, revenant sur ses années de formation, de son enfance idyllique dans l'Amérique de l'après-guerre au tournage d’Eraserhead. Ou comment un gamin de la middle-class décida, contre toute logique, de se consacrer à la « art life », la vie d’artiste – « fumer, boire du café et peindre », comme il le dit lui-même. Dans la bouche de Lynch, énoncé de sa voix nasillarde de gentil boy-scout un peu perché, n’importe quel souvenir, même le plus anecdotique, prend des teintes angoissantes et cauchemardesques, et ouvre sans crier gare sur des gouffres existentiels sans fond. Une femme nue qui surgit en pleine nuit dans une zone pavillonnaire, son père lui conseillant de ne jamais avoir d'enfant... Le cinéaste raconte dans le détail comment il a dû s’accrocher pour pouvoir s’adonner pleinement à sa passion, et ce récit initiatique prend la forme d’un road-trip américain, s’originant dans la pastorale du Midwest des fifties, passant par des années de vache maigre dans une Philadelphie ravagée par la paranoïa urbaine, pour aboutir à Los Angeles, enfin, où le soleil finira par « aspirer la peur ». Cerné par les ombres de la dépression et de la folie, ponctué d’images d’un Lynch apaisé (?) et cool peignant aujourd'hui avec sa petite fille, un document précieux, idéal pour attendre sagement le come-back de l’agent spécial Dale Cooper.