Rami Malek a laissé tomber la moustache et le perfecto pour devenir le bad guy de Mourir peut attendre. En 2020, il nous donnait un aperçu de son mystérieux personnage.
Première : Je vous ai croisé il y a quatre ans dans un avion. Vous veniez de gagner un Emmy Award mais, à part un steward, personne n’a semblé vous reconnaître. Et encore, il parlait de vous comme « le mec de Mr. Robot. »
Rami Malek : (Rires.) « Le mec de Mr. Robot », je l’ai entendue un paquet de fois, celle-là !
Depuis, vous êtes passé d’une série de niche à la gloire internationale. Personne n’aurait parié sur le succès de Bohemian Rhapsody, et encore moins sur un Oscar...
Oui, j’ai du mal à mettre des mots là-dessus. C’est un cadeau extraordinaire. (Long silence.) Je vis un rêve éveillé. Je me doute qu’on doit vous dire ça tout le temps et que ça sonne comme un gros cliché, mais dans mon cas, c’est vrai. J’ai reçu bien plus que ce que j’avais demandé. Je voulais juste travailler de façon régulière dans ce business. L’idée d’avoir du boulot une fois par an m’allait très bien. Le rôle importait peu : si je gagnais ma vie décemment en faisant mon boulot, j’allais être heureux. Le petit plus aurait été de pouvoir jouer au théâtre de temps en temps. Et maintenant, je me retrouve à l’opposé. Je suis béni, que voulez-vous que je vous dise ?
Qu’est-ce que ça fait d’avoir la liberté de choisir ses rôles ?
Croyez-le ou non, mais je ne suis pas dans cette position. (Silence.) Certes, j’ai le luxe de pouvoir refuser beaucoup de choses. Mais ce n’est pas non plus comme si je recevais tous les scripts de Hollywood.
Le coursier doit quand même passer plus souvent.
Évidemment. Il y a plus d’opportunités, c’est sûr. C’est un sentiment extraordinaire... mais j’ai encore du mal à croire que c’est vrai. Les producteurs m’avaient déjà approché pour Mourir peut attendre avant les Oscars, et je trouvais ça stupéfiant qu’on s’intéresse à moi pour ce rôle. Je sortais de Bohemian Rhapsody et j’avais bien compris que le film semblait se diriger vers le succès. Mais l’idée de poursuivre avec un tel rôle dans une franchise de ce calibre, ça me stupéfiait. D’ailleurs, je n’en reviens toujours pas.
Vous avez accepté le rôle sans qu’on vous en dise trop sur le personnage...
Oui, je ne savais pas grand-chose. Mais qui refuserait de jouer le méchant dans un James Bond ? C’est un no-brainer, pas la peine de réfléchir.
C’est source d’angoisse de se lancer un peu à l’aveugle ?
Je n’ai toujours pas vu le film, je n’ai aucune idée de ce que ça va donner ! Bon, je suis certain que ce sera très spécial, ça se sent rien que dans la bande-annonce. Mais oui, j’avais des inquiétudes. C’était une situation un peu similaire à celle que j’ai vécue avec Bohemian Rhapsody. À l’époque, je m’étais dit : « Accepte, tu paniqueras plus tard. » Ce film a été une excellente préparation pour James Bond, à la fois un challenge extraordinaire et un formidable accomplissement. Je m’en suis sorti sans trop de dégâts et ça m’a aidé à avoir la confiance nécessaire pour la suite.
Quel est le processus quand on est contacté pour jouer dans un James Bond ? Comment les producteurs Barbara Broccoli et Michael G. Wilson vous ont pitché le personnage ?
Je ne peux pas trop en dire, mais c’est Barbara qui est venue vers moi. Je la connais depuis des années : elle m’avait vu dans States of Grace [sorti en 2013 aux États-Unis] et souhaitait me rencontrer. On avait discuté et on s’était dit qu’on aimerait travailler ensemble un jour. Je ne pensais évidemment pas que ce serait pour un James Bond... Elle est revenue à la charge après Mr. Robot, car je crois qu’elle a senti que j’avais assez grandi en tant qu’acteur. Barbara travaille de manière très spéciale, c’est quasiment du secret-défense. Impossible de recevoir le script par mail, elle me l’a livré en personne. Nous avons pris le thé, j’ai ouvert l’enveloppe et j’ai vu ces trois chiffres en haut.... Et là, j’ai eu la chair de poule. 007. Waouh.
Le méchant est à peu près aussi important que 007 dans la réussite d’un film James Bond. Vous aviez une idée précise de la façon dont vous vouliez l’interpréter ? Les clichés qu’il fallait absolument éviter ?
Je ne voulais surtout pas caresser un chat, si c’est ça que vous me demandez. (Rires.) Dans ma tête, il fallait que ce soit un adversaire comme James Bond n’en a jamais vu. Que ce soit tout le temps compliqué pour 007, qu’il n’ait pas de répit. Je me disais que si j’allais vers ça, j’aurais fait le job. (Il réfléchit.) J’étais très, très conscient des choix que j’avais à faire pour créer un maximum de tension et de conflits dans ce film.
De quel type de choix parlez-vous ?
Je ne peux rien vous dire. Je voulais juste qu’à chaque scène, les enjeux et la pression montent d’un cran. Comment créer une tension qui va crescendo ? C’était mon obsession. Et Cary Fukunaga est exceptionnel dans ce registre. C’est même l’un des meilleurs.
Vous êtes revenu aux précédents James Bond pour trouver votre personnage ?
Oui. Je voulais comprendre ce qui marchait vraiment chez eux. Et puis j’ai fait en sorte de tout oublier, parce que ça n’avait pas beaucoup de sens par rapport à mon objectif. En revanche, j’ai étudié autant de méchants de cinéma que possible. Qu’est-ce qui les pousse à agir comme ils le font ? Ils sont tous persuadés de faire le bien à leur façon, d’être justes. Parfois, c’est très alambiqué, mais je suis persuadé qu’un bon méchant doit penser qu’il est du bon côté de l’histoire. Sinon, ça n’a pas le même impact. En fait, ce qui fout les jetons en tant que spectateur, c’est de comprendre le méchant. C’est très déconcertant. Et j’espère avoir réussi à produire ce sentiment chez les gens.
Comment s’est passée la collaboration avec Daniel Craig ? On imagine facilement que son charisme vampirise un tournage.
Je vous jure qu’à la seconde où on le voit débarquer sur le plateau, le cerveau fait un tour sur lui-même, et on est persuadé que ce mec est un véritable agent du MI6 avec un gros passé militaire. Pas l’ombre d’un doute. Quand il porte le costume et qu’on est face à lui, en chair et en os, on est obligé de reprendre son souffle. Je devais en permanence faire l’effort de me souvenir que je n’étais pas un simple spectateur. (Rires.) Et après... ben, j’ai fait ce que j’ai pu pour me mettre à son niveau !
Mourir peut attendre, le 6 octobre au cinéma.
Cary Fukunaga - Mourir peut attendre : "Il faut se méfier des clichés bondiens" [interview]
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