MaXXXine
Condor

Le réalisateur de X, Pearl et MaXXXine nous guide à travers la jungle de références cinéphiles du dernier volet de sa trilogie.

Recréer le Los Angeles de 1985

Ti West : "MaXXXine se déroule à Los Angeles en 1985 et l’idée était de recréer l’époque de façon si authentique que le spectateur croit véritablement au monde qu’il voit. Mais à cette volonté documentaire se mêle aussi la nostalgie, et la mémoire collective, c’est-à-dire la manière dont l’époque et la ville ont été représentées dans les médias. Il y a donc trois axes : la réalité, la nostalgie, le cinéma. Les films où Los Angeles "joue son propre rôle" (L.A. plays itself) sont un vrai sous-genre du cinéma. Je voulais m’inscrire dans cette histoire, parce qu’Hollywood est un endroit fascinant et absurde, pas tant un véritable lieu qu’une pure surface, où le glamour dissimule une face cachée et sordide. Pour recréer ce monde, nous avions des références à la fois conscientes et inconscientes. Nous avons par exemple revu Angel (de Robert Vincent O’Neil, 1983, sur une lycéenne prostituée menacée par un serial-killer) pour voir comment était éclairé Hollywood Boulevard dans les années 80. Mais il ne s’agissait pas de faire des copiés-collés pour autant. Le but était vraiment de faire un film qui donnerait l’impression d’être arrivé jusqu’à nous depuis cet espace-temps plutôt qu’un film d’aujourd’hui qui regarde l’époque, si vous voyez ce que je veux dire. Mais allez-y, suggérez-moi des titres et je vous dirai de quelle manière ils nous ont influencés !"

Vice Squad : descente aux enfers (Gary Sherman, 1982)

"Si les films sur Los Angeles sont comme je vous le disais un sous-genre à part entière, il n’y en a en réalité pas beaucoup qui montrent le Hollywood Boulevard des années 80. Vice Squad a été une référence parce que, même si la majorité de ce qui se passe dans ce film n’a rien à voir avec MaXXXine, c’est une vraie capsule temporelle qui te propulse vers la face la plus miteuse et sordide de Hollywood. Dans le genre, Les Rues de l’enfer (Savage Streets, 1984) n’est pas mal non plus. On est très loin des années 80 telles qu’elles sont représentées d’’habitude dans le cinéma américain : les banlieues, les centres commerciaux, toute cette atmosphère à la Breakfast Club."


 

L’Ange de la vengeance (Abel Ferrara, 1981)

"C’est moins une référence directe que Vice Squad parce que ça se passe à New York et que l’ambiance est donc un peu différente. Mais le monde qu’arpente l’héroïne est quand même bien miteux, et ce genre d’histoire sur une femme qui a été poussée à bout et qui contre-attaque, c’est totalement l’état d’esprit de MaXXXine. Je connais très bien L’Ange de la vengeance et MaXXXine et lui partagent une même énergie."

Harcdore (Paul Schrader, 1979)

"Une référence directe. Il y a des choses similaires en termes d’intrigue. Ce qui est génial dans Hardcore, c’est la façon dont est représenté ce monde du cinéma porno et des films à petit budget, sans s’excuser de quoi que ce soit. Tu vois une autre facette de Hollywood– même s’ils ont probablement tourné downtown. Le personnage de Season Hubley – qui joue d’ailleurs aussi dans Vice Squad – est très détendue dans son rapport au sexe et au milieu du porno, ce qui contraste bien sûr avec l’attitude du personnage de George C. Scott. Il y a une vraie connexion spirituelle entre MaXXXXine et Hardcore."


 

Psychose (Alfred Hitchcock, 1960)

"En général, quand on utilise, disons, une fausse rue de New York dans le studio Universal, il ne s’agit pas de souligner sa fausseté, bien au contraire : on l’utilise pour créer l’illusion qu’on est vraiment à New York. Mais j’ai eu envie d’utiliser le backlot d’Universal pour montrer ce faux New York, puis une fausse ville de western. Quel pouvait être alors le point culminant de ce voyage à travers des lieux factices ? C’est là que j’ai pensé à la maison de Psychose. Ça avait d’autant plus de sens que Psychose était cité dans un dialogue de X. J’ai donc écrit cette scène, puis on a demandé la permission à la Hitchcock Foundation, qui nous l’a accordée. C’est vraiment très étrange de filmer cette maison, ça ne peut normalement arriver que si vous tournez une suite de Psychose ! A mes yeux, il fallait qu’il y ait ce genre d’hommage un peu flamboyant dans MaXXXine, parce que, autant X et Pearl se déroulaient dans des espaces clos, autant je voulais que celui-ci soit une vraie explosion de cinéma."

Chinatown (Roman Polanski, 1974)

"L’hommage à Chinatown n’était pas prévu, mais comme il y a une scène dans le film dans laquelle Maxine frappe le détective privé au visage, on a mis un petit pansement sur le nez de Kevin Bacon, puis on a fini par se dire : et si on le faisait plus gros, ce pansement ? (en référence à celui que porte Jack Nicholson dans Chinatown). MaXXXine, d’une certaine façon, est une ode à Los Angeles, et Chinatown est l’un des plus célèbres et des plus géniaux films sur L.A. Voilà comment cette référence s’est décidée. Même si je suis conscient qu’elle risque de passer au-dessus de la tête de la Gen Z !"

Chinatown
Paramount Pictures

Theda Bara

"Theda Bara est l’une des premières vamps, l’un des premiers sex-symbols de l’histoire du cinéma. Dans Pearl, le personnage appelait ses animaux des noms de ses stars de cinéma préférés – et l’alligator s’appelait Theda. On voyait aussi que La Reine des Césars (Cleopatra, J. Gordon Edwards, 1917) était à l’affiche du cinéma. C’était un film très controversé à l’époque. Sa mention dans MaXXXine était une façon de boucler la boucle et de raconter le destin de ces stars, qui déclenchent des scandales et dont le nom finit sur le Walk of Fame : une étoile sur un trottoir sur laquelle on écrase une cigarette."

MaXXXine, de Ti West, avec Mia Goth, Elizabeth Debicki, Kevin Bacon… En salles le 31 juillet.