L'équipe du film de Gilles Lellouche a bien rigolé en conférence de presse.
La distribution de L'Amour ouf est si importante que lors du panel organisé sur la Croisette, ce midi, une partie du casting était dans le public : Alain Chabat, Raphaël Quenard, Anthony Bajon, Elodie Bouchez, Vincent Lacoste, Jean-Pascal Zadi ; Karim Leklou... Au cœur de cette rencontre avec les journalistes, Gilles Lellouche (Le Grand bain, joli succès de 2018) était entouré de ses quatre interprètes principaux : Mallory Wanecque et Adèle Exarchopoulos, qui jouent toutes les deux l'héroïne Jackie, et Malik Frikah et François Civil, interprètes de son amoureux, Clotaire. Il y avait aussi ses co-auteurs, Audrey Diwan et Ahmed Hamidi, et les producteurs de longue date du metteur en scène, Hugo Selignac et Alain Attal.
Ce sont eux qui ont ouvert la discussion, expliquant soutenir Gilles depuis déjà 20 ans déjà : Alain Attal rappelle ainsi leur collaboration sur Narco, que Gilles a co-réalisé en 2004 avec Tristan Arouet.
C'est L'Amour ouf à Cannes pour Adèle Exarchopoulos, François Civil, Alain Chabat, Gilles Lellouche..."Avec lui, c'est juste une histoire de kif, assure le duo, tout en se moquant de la longue gestation de chaque projet de réalisateur de Lellouche. L'Amour ouf, oui, c'est une histoire d'amitié, c'est l'ADN de ce qu'on aime dans le cinéma. On est prêts à attendre encore 7 ou 8 ans pour le prochain !"
"Ils avaient les droits du roman du roman de David Thompson depuis 17 ans, raconte à ce propos Gille Lellouche. Ils ont eu de la patience pour faire ce film ! Je suis pas très simple dans ma manière d'envisager l'écriture. J'ai arrêté, repris... Ils ont jamais lâché. J'ai beaucoup de chance !"
"Avec Audrey et Ahmed, ça a été un travail très joyeux, poursuit-il. Long, on a mis cinq ans quand même... la lenteur du mec ! Mais c'était bien, on a jamais essayé de se tirer la couverture. Je les ai enquiquinés sur l'écriture, car chaque scène, il faut que je l'imagine, il y a déjà une forme de découpage qui se dessine au scénario. En même temps, j'avais pas envie de réaliser un storyboard à l'image... Il y avait des séquences très précises, comme celle du port, qui demandait beaucoup de mise en place donc pour être efficaces on l'avait énormément détaillée, mais je voulais aussi laisser une liberté aux acteurs. Si François par exemple avait quelque chose à proposer, c'était possible..."
Choisir un casting "intense"
Justement, comment a-t-il choisi ses comédiens principaux, son quatuor qui serait capable de porter l'histoire de L'Amour ouf sur plusieurs années ?
"J'ai pensé qu'Adèle et François, que je connaissais un peu, allaient former un grand couple de cinéma, dit-il. Elle, c'est une actrice d'une intensité rare. Ils ont ce corps aussi. D'une beauté rare, ils sont félins, intenses. Pour la rencontre avec Malick et Mallory, ça s'est fait au casting. Elle est pleine de vie, elle s'est imposée avec sa nature, qui ressemblait à ce qu'on avait en tête. Je lui ai fait repasser des essais, mais au fond je savais très tôt que ce serait elle. Malik, sur 80 personnes, c'est le seul qui avait lu dans les didascalies que Clotaire observait tout le monde assis sur une voiture. Il a grimpé sur une chaise, et là, il avait exactement la posture que j'avais en tête. Et puis il s'avère qu'à 10 ans, il était champion du monde de hip hop, donc pour nos scènes de danse, c'était parfait."
L'amour sous toutes ses formes
Cannes 2024 : L’Amour ouf, une fresque romantique kamikaze [critique]"Clotaire, c'est quelqu'un qui fait des mauvais choix, qui sombre dans la violence petit à petit, explique ensuite le réalisateur français. En décrivant cela, je voulais parler du fait qu'on ne peut pas être amoureux si on ne traduit pas ce qu'on a sur le cœur. Sans les mots, on est forcément violent. Je voulais aussi raconter toutes les formes d'amour : filial, amical, l'amour qu'on exprime mal, également... L'idée qu'il y a de l'amour partout. Qu'est-ce que l'illusion de l'amour, aussi ?"
"I will make the casque"
Rigolant de son faible niveau d'anglais, Lellouche répond avec joie aux questions sur la musique, justifiant son choix de ne pas avoir fait de L'Amour ouf une pure comédie musicale :
"J'ai souvent des souvenirs qui sont accompagnés de musique. C'est une manière de revisiter nos souvenirs. The Cure, Billy idol... Ce sont mes propres groupes de jeunesse. La musique, la rêverie, c'est quelque chose de crucial dans ce film."
"Il n'a pas fait que mentionner des chansons au cours de l'écriture, le coupe Audrey Diwan : il nous les mettait très fort pendant qu'on travaillait sur le scénario (rires)."
"Oui j'aime bien la musique, confirme-t-il. Sur le tournage aussi je passais des titres pour mettre tout le monde dans la même ambiance... Mais en faire une comédie musicale, ça aurait fait beaucoup. C'est encore un décalage supplémentaire de la fiction. J'ai toujours été un peu dérangé par les acteurs qui chantent. C'est bizarre, hein, mais c'est comme ça. J'aime la danse, j'aime la musique, mais je ne suis pas un féru de comédies musicales."
Jouer sans s'imiter
Adèle Exarchopoulos et François Civil ont évidemment eu le droit eux aussi quelques questions. Comment ont-ils travaillé avec leurs "versions jeunes", Mallory Wanecque et Malik Frikah ?
"Mallo et moi, on a joué avec notre ressemblance naturelle, raconte Adèle. Tout le monde m'appelait pour me dire à quel point on était pareilles, quand elle avait ce film avec Ali Marhyar par exemple (Comme un prince, ndlr). Jackie affronte un deuil, elle a quelque chose de détruit, de cassé. J'ai pas cherché tant que ça à jouer comme elle, on a discuté de sa façon de fumer ou des choses comme ça, mais je crois que c'était plus pour se rassurer ? Ce qu'on avait en commun, c'est que tout le monde voit du moche chez Clotaire, mais elle, elle voit de la poésie, quelque chose que personne ne voit chez lui. On devait toutes les deux jouer ce truc-là."
"J'étais ravi et un peu impressionné par les essais de Malik, raconte à son tour François. Il était puissant... et beau. La prison aide pas mal là-dessus, on peut se dire : 'Il a morflé le Clotaire !' (rires) Non en vrai, c'était génial de pouvoir répéter ensemble, de se voir avant pour préparer les danses, même si avec Adèle, nous les 'vieux' on ne danse pas tant que ça.
(...)
Au départ, j'ai eu du mal à appréhender le côté taiseux de ce personnage, qui n'arrive pas à trouver ses mots. Son papa qui l'aime fort mais pas très bien (il salue à ce propos son partenaire de jeu Karim Leklou, déjà croisé sur Bac Nord), son horizon d'avenir un peu restreint... Toute la beauté de ce personnage, sa poésie, c'est comme si on avait posé un couvercle sur lui. Malik joue déjà un peu tout ça, puis il y a cette injustice, il prend dix ans de prison, donc quand moi, je reprends le flambeau, c'est un peu différent."
"Plus je vieillis, plus je prends du plaisir à réaliser..."
A propos de Bac Nord, comment s'est faite la transition entre travailler avec Gilles Lellouche l'acteur et le réalisateur ?
"J'ai été soufflé par le talent de Gilles !, s'exclame Civil. Il amenait avec lui toute cette énergie sur le plateau : il portait ce film depuis 15 ans et en même temps on pouvait toujours débattre, discuter. Sur un plateau de Gilles, tout le monde se sent important, que ce soit les acteurs ou techniciens."
"Ce film ressemble à Gilles, ajoute Exarchopoulos à propos de L'Amour ouf. C'est un réalisateur qu'on suit, un vrai capitaine !"
"Plus je vieillis, plus je prends du plaisir à réaliser, reconnaît alors Lellouche. Déjà parce que je suis présent pendant tout le process. Quand on est réalisateur, ce sont nos choix, c'est notre libre arbritre, on assume jusqu'au bout. Je prends plaisir à jouer, mais être acteur, c'est différent. Plus concret. Réalisateur, c'est plus dans la rêverie, on pense tout le temps à ce à quoi ressemblera notre film..."
En France, L'Amour ouf sortira le 7 octobre prochain au cinéma.
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