Première
par Christophe Narbonne
Les premières minutes confirment nos craintes : l’image fade (malgré le retour à la pellicule argentique), le jeu outrancier, la musique kitsch, le fétichisme érotique ringard... De Palma semble bafouiller son cinéma comme aux pires heures des années 2000. Puis ce qui semble s’apparenter à un dérisoire jeu de massacre et à une critique faiblarde de la perfide mondialisation prend une forme de plus en plus séduisante à mesure que le film adopte clairement le point de vue d’Isabelle, cette victime qui n’en est peut-être pas une. De Palma, qui n’aime rien tant que les jeux de dupes et de masques, nous mène cette fois-ci en bateau comme aux plus beaux jours des années 80 (Pulsions, Body Double).
La musique du revenant Pino Donaggio se fait cathartique, les cadrages au grand-angle renforcent la contamination de l’histoire par la folie, les héroïnes deviennent complexes, d’autres personnages s’insinuent dans la danse de façon inattendue. Un deuxième film, plus dark, plus baroque et moins confortable commence alors, qui replace la mise en scène au centre des enjeux. De Palma se fout un peu de l’histoire (elle tient néanmoins la route) et réaffirme la toute puissance du cinéma, dont il maîtrise la grammaire sur le bout des rails de travelling. Sa légendaire virtuosité, hypnotique et immersive, culmine dans une séquence de meurtre d'anthologie à ranger parmi les plus belles de sa filmographie, qui n’en manque pourtant pas. Pour cette raison, mais aussi pour d’autres (la confirmation du talent de Noomi Rapace, le jeu bitchy de Rachel McAdams), il faut définitivement s’abandonner à la Passion selon Brian.
Première
par Frédéric Foubert
Chef-d’oeuvre ou nanar ? S’il y a un cinéaste qui sait que la frontière entre les deux est très ténue, c’est bien Brian De Palma, qui aura passé sa carrière à serpenter de l’un à l’autre. Dans Passion, remake improbable du Crime d'amour de Corneau, il tente vaillamment de renouer avec la veine érotico-grand-guignolesque de Pulsions et Body Double,
mais le résultat évoque surtout un rogaton de l’épouvantable Femme fatale. Masques, simulacres, psychés féminines détraquées… Les figures-clés de l’oeuvre sont convoquées, comme à la parade, mais elles ne fonctionnent désormais plus tant comme des variations sur des motifs hitchcockiens que comme des clichés « depalmesques »
usés jusqu’à la corde, une petite boîte à outils soigneusement exhibée pour rassurer les exégètes et le fan-club. En témoigne la longue séquence en split screen au coeur du film, totalement dépourvue d’enjeux théoriques, émotionnels ou narratifs. Elle est là parce que c’est ce que l’on est supposés attendre d’un thriller de De Palma, pour la beauté du geste. Enfin, « beauté », façon de parler... Passion est assez moche à voir : actrices principales mal assorties et visiblement conscientes de l’être, intrigue policière ramollo, flics allemands à moustache issus d’un vieux Derrick, fantasmes hétéro-beaufs jamais bandants. Soit une confirmation du lent déclin de la filmographie du barbu virtuose, entamé avec Mission to Mars (2000). « La plupart des réalisateurs signent leurs meilleurs films à 40 ou 50 ans. C’est un fait. Le cinéma est une activité débilitante », déclarait récemment De Palma à l’hebdomadaire Entertainment Weekly. Si c’est lui qui le dit...